Japonais, né le 21 septembre 1954 et mort le 8 juillet 2022
Enterré (où exactement ?).
Shinzō Abe, né le 21 septembre 1954 à Nagato (préfecture de Yamaguchi), et mort le 8 juillet 2022 à Kashihara (préfecture de Nara) est un homme d'État japonais. Il est Premier ministre du Japon du 26 septembre 2006 au 26 septembre 2007 et du 26 décembre 2012 au 16 septembre 2020.
Les origines de Shinzō Abe remontent à trois importantes familles, influentes dans la préfecture de Yamaguchi depuis le XIXe siècle, les Abe, les Satō et les Kishi. Les Abe étaient une riche famille de brasseurs de sake et de soja. Les Satō et les Kishi, pour leur part, étaient deux importantes familles de l'ancien domaine de Chōshū, liés par des alliances matrimoniales et d'adoption réciproques : ainsi, Shusuke Kishi, arrière-grand-père maternel de Shinzō Abe, a épousé une fille de la famille Satō et a adopté leur nom. En échange, son fils aîné, grand-père de Shinzō Abe, né Nobusuke Satō, a à son tour été adopté par la famille Kishi qui n'avait plus d'héritier mâle.
Le grand-père maternel d'Abe est donc Nobusuke Kishi, Premier ministre du Japon de 1957 à 1960, qui fut par ailleurs emprisonné comme suspect de crime de guerre de classe A de 1945 à 1948, en tant qu'ancien haut fonctionnaire du Manzhouguo, puis du ministère du Commerce et de l'Industrie dans le cabinet de guerre du général Hideki Tōjō. Emprisonné durant trois ans par les Américains, il fut finalement libéré sans assignation devant le Tribunal de Tōkyō. Anti-communiste et pro-américain, il mène une politique visant à réinsérer son pays dans le concert des Nations et est l'artisan de la signature en 1960 du controversé traité de coopération mutuelle et de sécurité entre les États-Unis et le Japon, renégociation plus équilibrée entre les deux parties d'un précédent traité mutuel de sécurité passé en même temps que le traité de San Francisco en septembre 1951 mettant fin à l'occupation du Japon. Shinzō Abe présente son grand-père comme son modèle en politique, y voyant notamment la référence d'un de ses principaux objectifs : tourner la page de ce qu'il appelle la « société d'après-guerre » et redonner une fierté nationale au peuple japonais.
Shinzō Abe est le petit-neveu d'un autre Premier ministre, Eisaku Satō, frère de Nobusuke Kishi et jusqu'à présent le chef de gouvernement japonais à être resté le plus longtemps en fonction de 1964 à 1972 (durant le Boom Izanagi, période de forte croissance économique, il a reçu de plus en 1974 le Prix Nobel de la paix conjointement avec l'irlandais Seán MacBride, pour sa politique étrangère pacifiste et son rôle dans la préparation et la signature du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires). Son grand-père paternel, Kan Abe, a également été un homme politique, député indépendant à la Chambre des représentants de 1937 à 1946.
Le père d'Abe est Shintarō Abe, gendre et héritier politique de Nobusuke Kishi devenu une figure politique importante et influente dans les années 1980, ancien ministre des Affaires étrangères et secrétaire général du Parti libéral-démocrate, le parti conservateur libéral au pouvoir sans discontinuer de sa création en 1955 jusqu'à 1993 et de 1994 à 2009. Le frère cadet de Shinzō Abe, Nobuo Kishi (né Abe mais adopté par son oncle maternel), est lui aussi un homme politique du PLD, élu à la Chambre des conseillers pour la préfecture de Yamaguchi depuis 2004.
Dans son arbre généalogique se trouve également Yōsuke Matsuoka, ancien ministre des Affaires étrangères du Japon impérial (1940-1941) et qui fut à l'origine du Pacte tripartite signé le 27 septembre 1940.
Abe sort diplômé en sciences politiques de la Faculté de Droit de l'université Seikei en 1977. Il part ensuite poursuivre ses études en science politique à l'University of Southern California.
De retour au Japon, Abe travaille pour l'entreprise de construction métallique Kōbe Steel Ltd. et ce jusqu'en 1982. Il rentre ensuite au service de son père en tant qu'assistant, d'abord au ministère des Affaires étrangères de 1982 à 1986, puis à la présidence du Conseil général du PLD de 1986 à 1987 et enfin au secrétariat général du PLD de 1987 à 1989.
Après la mort de son père en 1991, Abe se présente à sa place dans l'ancien premier district de la préfecture de Yamaguchi en 1993 et, obtenant le plus de voix au vote unique non transférable avec une large avance (97 647 voix et 24,2 % des suffrages exprimés, il totalise 31 938 votes et près de 8 points de plus que le candidat élu en seconde place, le sortant et ancien ministre Yoshirō Hayashi, lui aussi un libéral-démocrate), il est alors élu pour la première fois à la Chambre des représentants.
Au sein du PLD, il adhère à la faction qui était dirigée par son père et avant lui par Takeo Fukuda, désormais menée par Hiroshi Mitsuzuka, le Conseil pour la nouvelle politique ou Seiwakai, connu pour sa volonté de réformer le fonctionnement interne du parti pour le rendre plus démocratique et moins dépendant des luttes d'influence entre chefs de faction, pour sa recherche d'une déréglementation administrative et économique et pour son attachement à l'alliance nippo-américaine.
Aux élections législatives du 20 octobre 1996, les premières à se dérouler selon le système mixte mis en place par la réforme électorale de 1994, il est réélu au scrutin uninominal majoritaire à un tour dans le nouveau 4e district de la préfecture de Yamaguchi (à savoir les villes de Shimonoseki et Nagato à l'ouest), avec 93 459 votes et 54,3 % des suffrages face aux 34,7 % de Takaaki Koga du Shinshintō (principale force d'opposition de l'époque) et 11 % au candidat du PCJ. Il est par la suite plébiscité dans cette circonscription à chaque scrutin, avec 71,7 % des voix (121 835 suffrages) en 2000, 79,7 % (140 347) en 2003, 73,6 % (137 701) en 2005 et 64,3 % (121 365) en 2009.
La première décennie de sa carrière politique est discrète, tout en commençant à apparaître progressivement comme un des représentants de la jeune garde du PLD et du camp réformateur, il devient dès cette époque un soutien de Jun'ichirō Koizumi. Il est l'un des piliers de la première campagne de ce dernier à la présidence du PLD du 22 septembre 1995, avec deux députés trentenaires eux aussi élus depuis peu : Hiroyuki Arai (37 ans, élu en 1993) et Nobuteru Ishihara (38 ans, élu en 1990). Koizumi est alors largement défait par Ryūtarō Hashimoto, en n'obtenant que 87 voix contre 304 à ce dernier. Plus tard, Abe est directeur du bureau de la jeunesse du parti de 1997 à 1999. Il fait partie du « Conseil des NAIS » (NAISの会, Naisu no kai?), à la fois groupe de réflexion et alliance politique formé par quatre jeunes parlementaires quadragénaires et réformateurs, sur le modèle du « trio YKK » créé en 1994 par Taku Yamasaki, Jun'ichirō Koizumi et Kōichi Katō. Comme pour ce dernier, le nom du « quatuor » reprend les initiales en rōmaji des noms de ses membres : Takumi Nemoto, Abe, Nobuteru Ishihara et Yasuhisa Shiozaki.
D'autre part, Shinzō Abe semble dans un premier temps, à travers ses premiers travaux parlementaires ou ses positions au sein du parti, être un membre secondaire de la « Tribu de la santé et des affaires sociales » (厚生族, Kōsei zoku?). Ainsi, en 1999, il devient directeur de la division des Affaires sociales du PLD, ainsi que directeur (soit l'équivalent d'une fonction de vice-président) de la commission de la Santé et du Bien-être de la Chambre des représentants.
Du 4 juillet 2000 au 22 septembre 2003, il est secrétaire général adjoint des Cabinets de Yoshirō Mori et Jun'ichirō Koizumi avant d'être nommé secrétaire général, et donc numéro deux, du PLD par Koizumi le 21 septembre 2003. Ce poste va le faire passer alors de l'intérêt discret pour les affaires sociales et sanitaires à la place d'un spécialiste des questions de sécurité et de politique étrangère au sein de la majorité.
En 2002, il a servi de négociateur en chef pour le gouvernement japonais pour discuter avec la Corée du Nord du sort de cinq Japonais survivants enlevés sur les plages nippones sur ordre de Kim Il-sung. Il se forge alors une réputation de fermeté et est crédité des avancées importantes que connaît ce dossier à cette époque, ce qui le fait connaître du grand public et même lui confère une importante popularité. Ainsi, il prépare la visite à Pyongyang de Jun'ichirō Koizumi, la première d'un chef de gouvernement japonais en Corée du Nord, le 17 septembre 2002.
À cette occasion, en échange de l'expression par le Premier ministre de « profonds regrets » pour l'attitude du Japon pendant l'Occupation japonaise de la Corée, Kim Jong-il reconnaît officiellement, et s'excuse pour cela, l'enlèvement par la Corée du Nord de 13 citoyens japonais entre 1977 et 1983.
Quelques mois plus tard, il obtient du régime nord-coréen le retour au Japon des cinq dernières victimes de ces enlèvements encore en vie selon Pyongyang, à condition qu'elles reviennent ensuite en Corée du Nord, le 15 octobre suivant, puis s'attire le soutien de l'opinion publique japonaise, avec Koizumi, en refusant cette dernière revendication de la Corée du Nord et en demandant désormais que ces rapatriés soient rejoints par leurs enfants nés après leurs enlèvements et restés en Corée du Nord.
Abe dirigea également le Comité des parlementaires PLD contre l'éducation sexuelle « excessive ».
Fraichement réélu pour un mandat de trois ans à la tête du PLD le 20 septembre 2003, Jun'ichirō Koizumi nomme Shinzō Abe (qui était son directeur de campagne lors de cette élection à la présidence du parti) au poste de secrétaire général du parti, soit la deuxième position dans la hiérarchie du parti. C'est alors une surprise, étant donné la faible expérience politique d'Abe et sa jeunesse (seulement deux personnes avant lui furent nommées à cette fonction avant avoir atteint l'âge de 50 ans, Kakuei Tanaka en 1968 et Ichirō Ozawa en 1989, tous deux à 47 ans), mais cette décision est plutôt accueillie positivement par les observateurs politiques et les médias.
En effet, Koizumi souhaite rajeunir la majorité en vue des élections législatives anticipées fixées au 9 novembre 2003, et Abe est alors considéré comme le maître de la stratégie électorale. Il permet également de jouer pleinement sur l'une des actions les plus populaires du gouvernement, celle sur les enlèvements en Corée du Nord (d'autant qu'une cellule spéciale sur la question des enlèvements est créée et présidée au sein du PLD par Abe le 4 octobre 2003). Le Nihon Keizai Shinbun qualifie d'ailleurs ce choix d'« idée brillante qui permet de mettre en valeur un aspect neuf ».
Après ces élections législatives, qui marquent une victoire de la coalition au pouvoir avec 275 sièges sur 480 (soit 4 de plus qu'en 2000, mais toutefois 12 de moins que dans la chambre sortante), dont 237 pour le PLD, il préside à l'absorption le 21 novembre 2003 par ce dernier du Nouveau Parti conservateur. Ce dernier, partisan d'une « révolution conservatrice » sur le modèle de l'action de Margaret Thatcher, de Ronald Reagan voire de George W. Bush, allié depuis sa création en 2002 avec les libéraux-démocrates, apporte ainsi ses 4 députés au parti, lui permettant de regagner à lui seul la majorité absolue.
En tant que secrétaire général du PLD, il est surtout chargé d'opérer la réforme interne voulue par Koizumi, à la fois de l'organisation, afin de la rendre moins dépendante du jeu des factions, plus propice au renouvellement générationnel et plus transparente, et de la ligne politique. Ainsi, avant même les élections législatives de 2003, une règle interdisant de présenter à la proportionnelle des candidats âgés de plus de 73 ans est adoptée par les instances du mouvement. Plus tard, un comité de réforme, présidé par Abe, est mis en place et présente en janvier 2004 un plan qui prévoit la sélection de candidats au sein de la société civile pour les futures élections sur la base de primaires, de commissions d'investitures ou de sondages d'opinion qui pourraient être demandés par tout candidat potentiel dans une circonscription donnée. Ce plan envisage également de rendre publiques, via Internet, l'usage par les membres du parti des indemnités et subventions publiques, par le biais de cartes à puce distribuées à tous les militants. Si ce projet ne va pas donner de suite officielle, il va servir de base à la stratégie des « Assassins » (刺客, Shikaku?) (jeunes personnalités, dont de nombreuses femmes, issues de la société civile et plus attachées à Koizumi et à ses réformes qu'à l'appareil partisan) qui va faire le succès de la majorité aux élections législatives de 2005. Il s'attache également à faire réviser la plateforme fondamentale du parti, inchangée depuis 1995, en la confiant à un panel consultatif directement placé sous son autorité et confié au député Kaoru Yosano. Le résultat de cette réflexion est présenté en juin 2004, et comprend plusieurs projets de réforme particulièrement chers à Shinzō Abe : il prévoit ainsi d'ajouter parmi les priorités du parti la recherche d'« un consensus national pour l'établissement d'une nouvelle constitution » (sans pour autant se prononcer sur ce que celle-ci devrait contenir), l'appel à une réforme de la loi fondamentale de l'éducation et l'expression de sa résolution à lutter contre le terrorisme et le crime. Le parti met ensuite en place en décembre 2004 un comité chargé de rédiger un projet de Constitution, présidé par l'ancien Premier ministre, Yoshirō Mori, dirigeant, à l'époque, de la faction du Seiwakai. Cette nouvelle plateforme, ainsi que le projet constitutionnel, sont officiellement adoptés à l'occasion du 50e anniversaire de la formation le 22 novembre 2005.
Mais il doit surtout gérer la fronde de l'opposition à la Diète concernant la réforme des retraites préparée par le gouvernement, ainsi que le scandale touchant justement au même moment les retraites de plusieurs personnalités politiques de la majorité. Ça, couplé à l'impopulaire participation du Japon à des missions de reconstruction dans la coalition militaire en Irak, rend pour la première fois depuis l'arrivée de Jun'ichirō Koizumi en 2001 le PLD impopulaire, et lui fait essuyer une assez importante défaite lors du renouvellement de la moitié de la Chambre des conseillers du 11 juillet 2004 (si le parti conserve la majorité au sein de la chambre haute grâce à ces alliées du Kōmeitō et à la bonne performance réalisée lors du précédent scrutin en 2001, il est alors devancé en voix et en siège par le Parti démocrate du Japon, principale force d'opposition). S'étant personnellement investi dans la campagne, en se fixant pour objectif de gagner 51 sièges pour finalement devoir ne se contenter que de 49, Shinzō Abe décide d'assumer la responsabilité de cet échec et annonce sa volonté de démissionner de son poste de secrétaire général du PLD. Jun'ichirō Koizumi la refuse pendant un temps, avant de finalement l'accepter le 27 septembre 2004. Il est remplacé par l'ancien ministre de l'Agriculture du premier gouvernement de Koizumi, Tsukomu Takebe, mais reste néanmoins au sein de la direction en tant que secrétaire général adjoint et président de l'Unité de promotion de la réforme.
La 31 octobre 2005, Abe est nommé dans le troisième et dernier gouvernement de Jun'ichirō Koizumi au poste de secrétaire général du Cabinet, c'est-à-dire porte-parole du gouvernement et ministre chargé de la coordination des différents services gouvernementaux. Abe présente sa candidature pour le poste de président du PLD le 1er septembre 2006.
Considéré comme le grand favori face à Sadakazu Tanigaki et Tarō Asō, il est élu le 20 septembre 2006 à la tête du PLD avec 464 voix sur 703.
En conséquence, il succéda, le 26 septembre, à Jun'ichirō Koizumi au Kantei.
Abe annonce son intention de démissionner du poste de Premier ministre le 12 septembre 2007 en raison de son impopularité (moins de 30 % de la population japonaise soutient ses actions), aux démissions répétées de ses ministres, à l'échec du PLD lors du renouvellement de la moitié de la Chambre des conseillers de juillet et à l'impossibilité de prolonger une loi antiterroriste qui autorisait la force navale japonaise à ravitailler les navires militaires des États-Unis opérant en Afghanistan. Abe devrait également quitter la présidence du parti libéral-démocrate.
Le lendemain de son annonce, Abe est admis dans un hôpital de Tokyo. Il démissionne le 25 septembre 2007.
Il est réélu président du PLD le 26 septembre 2012, alors que des élections législatives anticipées sont attendues d'ici à la fin de l'année. Comme l'avait fait Sadakazu Tanigaki, il fait voter son parti en faveur de certains textes de loi présentés par le PDJ le 16 novembre 2012 (dont une autorisant l'émission d'obligations nécessaire pour financer le budget 2012), obtenant en échange du Premier ministre la dissolution le jour même de la Chambre des représentants et la tenue d'élections anticipées le 16 décembre suivant.
Il fait figure de favori dans les sondages, étant lui-même préféré régulièrement à Yoshihiko Noda mais aussi aux autres figures montantes de la campagne, telles l'ancien gouverneur de Tōkyō Shintarō Ishihara, pour devenir le prochain Premier ministre, tandis que son parti reste en tête dans les enquêtes d'opinions. Néanmoins, son avance est loin, à chaque fois, d'être importante. Ainsi sa côte de soutien personnelle oscille entre 29 % dans un sondage du Yomiuri Shimbun mené du 23 au 25 novembre 2012 à 37 % dans une précédente enquête menée par le même quotidien les 16 et 17 novembre 2012, tandis que Yoshihiko Noda se situe dans ces deux sondages respectivement à 19 % et 31 % et que Ishihara arrive second avec 22 % pour l'enquête des 23 et 25 novembre. D'autres sondages, menés aux mêmes périodes par d'autres grands titres de la presse nationale, montrent des écarts encore plus serrés entre le Premier ministre en exercice et le chef de l'opposition qui a toutefois toujours l'avantage (33 contre 31 % pour l'Asahi Shimbun les 15 et 16 novembre 2012, 33,9 contre 30 % pour l'agence Kyodo News les 24 et 25 novembre 2012). Pour ce qui est des intentions de vote par parti, le PLD attire entre 18,7 % des personnes interrogés par Kyodo News les 24 et 25 novembre (contre 10,3 % à l'Association pour la restauration du Japon de Shintarō Ishihara et 8,4 % seulement au PDJ) et 25 % pour le Yomiuri Shimbun du 23 au 25 novembre 2012 (contre 14 % à l'ARJ et 10 % au PDJ, d'autres enquêtes montrent en revanche le parti majoritaire sortant en deuxième position).
Il prend pour slogan « Remettre sur pied le Japon », et mène campagne essentiellement sur les questions de sécurité et de politique étrangère, qui restent ses principaux chevaux de bataille et le font une nouvelle fois présenter dans les médias nationaux ou internationaux comme un « faucon » : il place la relation nippo-américaine au centre de son projet de politique étrangère (promettant de réserver son premier déplacement officiel à l'étranger, si son parti obtenait la majorité, aux États-Unis), relance son objectif ancien de révision de la Constitution du Japon afin de reconnaître le statut d'« armée conventionnelle » aux Forces japonaises d'autodéfense, envisage d'augmenter le budget de la défense et prône une attitude ferme dans les conflits territoriaux opposant le Japon à ses voisins, surtout avec la République populaire de Chine sur les îles Senkaku. Après avoir inclus dans son programme, présenté au public le 21 novembre 2012, d'installer une présence permanente d'officiels gouvernementaux dans l'archipel, il propose ensuite, lors d'un discours à Tōkyō le 29 novembre 2012, d'utiliser d'anciens navires de la Force maritime d'autodéfense pour aider les gardes-côtes japonais à « défendre » les îlots et empêcher toute venue de navires chinois dans leurs eaux territoriales. Sur le plan économique, il place sa priorité dans la lutte contre la déflation (se réservant même la possibilité de revenir sur la hausse de la taxe sur la consommation, pourtant votée en 2012 avec l'aval du PLD, si la tendance n'est pas rapidement inversée en la matière). Son plan, présenté le 15 novembre 2012, repose essentiellement sur des mesures de politique monétaire et adopte à ce sujet un discours ferme à l'égard de la Banque du Japon, qu'il veut pousser à adopter un objectif chiffré d'inflation à 2 ou 3 %, à mener un assouplissement quantitatif illimité, à fixer des taux d'intérêt à court terme négatifs et à acheter directement au gouvernement central des obligations pour financer les travaux publics (le programme du PLD prévoyant également de dépenser 200 billions de yens dans des grands travaux en dix ans dans le but de rendre le pays mieux équipé face aux catastrophes naturelles). Si les marchés ont réagi favorablement immédiatement après ces annonces (les cours à la bourse de Tōkyō ont augmenté et le yen a perdu de la valeur face au dollar américain), le Japan Times estiment ces mesures « irréalistes » (pour l'objectif de 2 à 3 % d'inflation, ce terme est repris par le gouverneur de la Banque du Japon, Masaaki Shirakawa, ferme défenseur de l'indépendance de son institution et hostile à tout retour à une politique chiffrée) ou « dangereuses [...] pour la discipline budgétaire » (pour le projet d'obliger la Banque du Japon à acheter des bonds de construction au gouvernement), et qu'elles « causeraient des effets collatéraux tels que des hausses des taux d'intérêts à long-terme et une inflation qui ne serait pas accompagnée par des activités économiques stimulées ». L'économiste Izuru Kato, de l'institut Totan Research, déclare pour sa part, concernant des taux d'intérêt à court terme négatifs : « Je ne vois aucune chance pour que cela soit retenu ». Sur les autres thèmes principaux de la campagne, il se déclare favorable à une adhésion du Japon au processus de négociation de l'Accord de partenariat trans-Pacifique (ou TPP pour Trans-Pacific Strategic Economic Partnership), un des chevaux de bataille de Yoshihiko Noda et du PDJ, mais en y incluant une discussion au cas-par-cas afin de maintenir des « sanctuaires » et donc des tarifs de protection pour certaines gammes de produits jugés sensibles (notamment agricoles). Sur le plan de l'énergie nucléaire et de son éventuelle sortie (demandée, d'après de nombreux sondages, par une majorité de Japonais marqués par la catastrophe de Fukushima), Shinzō Abe juge le but fixé par Yoshihiko Noda de « zéro nucléaire » d'ici aux années 2030 d'« extrêmement irresponsable » et affirme que le PLD, en cas de retour au pouvoir, « agira avec responsabilité pour relancer les opérations des réacteurs suspendus une fois leur sûreté établie ». De par l'histoire de sa famille, Abe est profondément lié au développement de l'énergie nucléaire au Japon, à son ancrage local et aux dépendances économiques qu'elle entraîne pour les communautés qui hébergent des centrales nucléaires. Abe prévoit toutefois de réduire progressivement la dépendance énergétique du Japon à l'égard du nucléaire sur le long terme au profit d'un investissement dans les énergies renouvelables.
Le jour du scrutin, le 16 décembre 2012, le PDJ, devenu très impopulaire, subit une défaite sévère, retombant à seulement 57 sièges. Cela se traduit en contrepartie par une importante victoire en nombre de sièges du PLD, qui obtient à lui seul la majorité absolue pour atteindre les 294 élus. Le vote majoritaire explique tout particulièrement cette victoire, avec 237 des 300 circonscriptions gagnées. Par contre, à la proportionnelle, le parti n'obtient que deux sièges de plus qu'en 2009, soit 57 sur les 180 à pourvoir. Les 31 élus du Nouveau Kōmeitō (retrouvant 9 circonscriptions au vote majoritaire alors qu'il les avait toutes perdues en 2009, il n'obtient qu'un député de plus à la proportionnelle) permettent à la coalition de centre-droit, avec 325 représentants, de dépasser le seuil des 2/3 des membres de la chambre basse (soit 320 membres sur 480) nécessaires pour faire passer des textes même en cas d'avis contraire de la Chambre des conseillers, où il n'y a toujours pas de majorité. La forte abstention (avec 40,68 % d'électeurs ne s'étant pas déplacés pour voter, il s'agit du record depuis 1945), de dix points supérieure à celle de 2009, est analysée par les médias et analystes politiques comme le signe d'un vote sanction du PDJ sans espoir réel suscité néanmoins par les libéraux-démocrates. Takeshi Sasaki, professeur de sciences politiques à l'université Gakushūin, déclare, par exemple : « Les électeurs ne se sont pas porté sur un nouveau choix, mais voulaient punir le PDJ ». Il ajoute de plus que le victoire du PLD « ne signifie pas que les électeurs portent les mesures défendues par le parti en haute considération. Si vous interprétez le résultat de cette manière, ce serait une erreur ». Les cadres de la nouvelle majorité, y compris Shinzō Abe, reconnaissent eux même cet état de fait au cours de la soirée électorale. Lors d'une apparition à la télévision, ce dernier a ainsi admis que les Japonais ne lui avait pas donné une approbation à « 100 % », mais qu'ils voulaient plutôt « mettre fin à trois années de chaos ». Il ajoute de plus que : « À moins de satisfaire les attentes des électeurs, leur soutien à notre égard disparaîtra. Avec ça en tête, nous devons garder un sens de tension [dans la gestion du gouvernement] ».
Le 26 décembre 2012, Shinzō Abe, chef de la nouvelle majorité parlementaire, est élu Premier ministre par la Chambre des représentants, avec 328 voix sur 478 votants, contre 57 voix au nouveau président du PDJ, l'ancien ministre de l'Industrie, Banri Kaieda, et 54 voix à l'ancien gouverneur de Tokyo, Shintarō Ishihara. Il est également à la Chambre des conseillers, sans atteindre la majorité absolue, lors du second tour, avec 107 votes sur 238 contre 96 à Kaieda.
De ce fait, Shinzō Abe est le second chef du gouvernement ayant retrouvé le titre de Premier ministre, après Shigeru Yoshida, durant l'après-guerre. Le jour même de son investiture par la Diète, Abe présente son gouvernement. Il accorde le poste de ministre des finances à l'ancien premier ministre Tarō Asō(2008-2009) qui avait tout comme les autres dirigeants de la planète à l'époque répondu à la crise des subprimes par un vaste plan de relance. Dans le but de mettre en oeuvre des réformes et de prendre des mesures efficaces en vue d'enrayer la déflation chronique touchant l'économie japonaise, Aso, 72 ans, qui a été premier ministre lorsque le PLD a perdu les élections en 2009 face au PDJ, occupera les postes de vice premier ministre, de ministre des finances et ministre des services financiers. Plusieurs postes ont également été accordé à d'anciens ministres du PLD. Ainsi, Akira Amari , 63 ans et ancien ministre de l'économie, de l'industrie et du commerce (METI), occupera le nouveau poste de ministre de la revitalisation économique. Toshimitsu Motegi, 57 ans, ancien ministre des services financiers a été nommé à la tête du METI. Yoshihide Suga, 64 ans, l'un des plus proches alliés de Abe et considéré comme un réformiste, a obtenu le poste de Secrétaire Général du Cabinet et de porte parole du gouvernement. Ce poste est important puisqu'il coordonne les politiques des différents ministères. Il fait aussi entrer au gouvernement ses adversaires lors des élections pour la présidence du parti espérant ainsi s'assurer l'obéissance du PLD. Sadakazu Tanigaki est ainsi nommé ministre de la justice. Nobuteru Ishihara est nommé ministre de l'environnement et de la gestion des crises nucléaires. Seules deux femmes font leur entrée au gouvernement. Masako Mori sera nommée ministre d'Etat pour l'autonomisation des femmes et l'éducation des enfants , ministre d'Etat chargé de la lutte contre le déclin démographique et ministre d'Etat chargé de l'égalité des sexes. Tomomi Inada, une ultraconservatrice proche de Abe sera quant à elle chargée de la réforme administrative et de la stratégie du Cool Japan. Très rapidement, Abe encadre ses ministres, il n'est pas question que les ministres expriment une opinion différente de celle du cabinet. Ils sont également dépêchés sur le terrain. Parallèlement, Abe soigne son image pour s'assurer du soutien de la population. Contrairement à ses prédécesseurs, il n'hésite pas à utiliser ce que les nouvelles technologies peuvent apporter à la communication gouvernementale. Le 22 mars 2013, ses services ont mis en ligne une application pour smartphone, téléchargeable depuis le site du Kantei (la résidence des premiers ministres). Elle offre un accès à la page Facebook du bureau du premier ministre, des informations sur la politique mise en oeuvre par le premier ministre ainsi que ses activités. Abe utilise aussi son propre compte Facebook pour préciser ses choix, mettre en ligne des photos prises pendant ses déplacements ou adresser des messages directs. Il a également fait voter au parlement une réforme autorisant l'usage des réseaux sociaux dès la campagne des élections sénatoriales de Juillet 2013. Il a mis fin aux briefings quotidiens instaurés lors de son premier passage à la tête du gouvernement. Ces briefings avaient été mis en place par Jun'ichirō Koizumi, son charismatique prédécesseur et ils n'ont jamais été supprimé depuis. Désormais, Abe se réserve les annonces importantes et n'hésite pas à bousculer les habitudes. En Janvier, il s'est invité au milieu d'une émission de débats diffusée dans le Kansai et il choisit ses passages à la télévision sans se soucier de respecter l'équilibre entre les grandes chaînes nationales. Il a aussi ouvert, et c'est une première dans l'histoire du pays, aux enfants les portes de la résidence du premier ministre dans le quartier de Nagatacho à Tokyo. Faisant de l'économie sa priorité, Abe est à l'origine de ce que les économistes et investisseurs appellent les Abenomics. Il théorise un redressement du Japon au moyen de ce qu'il appelle les trois flèches : une politique monétaire très accommodante et audacieuse, une relance budgétaire et une stratégie de croissance à long terme.
Fort du succès de cette politique auprès des entreprises, des investisseurs et de la population japonaise en globalité, Shinzo Abe atteint des taux de popularité entre 63 % et 72 % tout au long de sa première année au pouvoir. Parallèlement, le PLD aussi accroît sa popularité. Cette forte popularité d'Abe permet d'assurer la fidélité des membres de son parti qui ne se sont pas déchirés dans des guerres de factions. Cette unité affichée derrière le Premier ministre conduit à une large victoire du PLD lors des élections à la chambre des conseillers du Japon de 2013. À la suite d'une campagne animée par les débats autour de la réforme de la Constitution japonaise, le PLD et son allié le Nouveau Kōmeitō remportent une majorité absolue de 135 sièges. Parallèlement, le PDJ enregistre ses pires résultats et tombe à 59 sièges. Shinzo Abe profite donc d'un retour à la stabilité politique au cours de cette première année à la tête du pays, une situation inédite depuis Jun'ichirō Koizumi, ce qui pousse les médias japonais à pronostiquer qu'Abe devrait rester au pouvoir au moins jusqu'en 2016, date des prochaines élections de la Chambre des représentants et de la Chambre des conseillers.
Par ailleurs, Shinzo Abe a, dès l'ouverture de la session extraordinaire de la Diète le 15 octobre tenté de mener des réformes afin de renforcer l'autorité du premier ministre et de son gouvernement. En effet, le 6 novembre, son gouvernement a validé une réforme de l'administration publique visant à créer une nouvelle entité afin de gérer les nominations des hauts fonctionnaires. Cette entité sera directement sous l'autorité du bureau du premier ministre. Le gouvernement souhaitait que la Diète adopte cette réforme avant la fin de la session extraordinaire afin de mettre en place la nouvelle entité dès le printemps 2014. Le gouvernement a également présenté au parlement un projet de loi, soumis à débat, qui vise à permettre aux membres du gouvernement et au premier ministre d'assister moins de jours aux sessions de la Diète. En effet, le Japon est l'un des pays ou les membres du gouvernement doivent le plus se présenter au parlement. Par exemple, le premier ministre a obligation d'assister aux sessions de la Diète pendant au minimum 120 jours par ans contre une trentaine de jours au Royaume-Uni et 11 jours en Allemagne. Ce système est critiqué car il empêcherait les membres du gouvernement de se consacrer pleinement à leur travail puisqu'ils doivent assister aux débats parlementaires. Abe entend aussi profiter de cette réforme afin de se rendre plus souvent à l'étranger.
Le 9 novembre 2013, le parlement a approuvé la nomination des 29 candidats choisis par le gouvernement à des postes de responsabilité au sein de 12 organismes publiques, incluant la NHK. En effet, le parlement a approuvé la nomination au sein du comité de direction de la NHK (constitué de 12 sièges) de cinq personnes. L'écrivain Naoki Hyakuta (auteur notamment de Eien no Zero, un roman sur les recherches d'un homme sur son grand-père kamikaze), Michiko Hasegawa, professeur à l'Université de Saitama, Katsuhiko Honda conseiller pour Japan Tobacco, Naomasa Nakajima, directeur du lycée de Kayo sont des nouveaux nominés, tous proches de Shinzo Abe. Susumu Ishihara sera, lui, reconduit à son poste au sein du comité de direction. Les partis d'opposition ont accusé Abe de vouloir influencer l'élection du prochain président de la NHK en Janvier 2014. En effet, le président de la NHK est élu par les 12 membres du comité de direction.
Finalement, le 20 décembre 2013, le comité de direction de la NHK a désigné Katsuto Momii président de la NHK. Celui-ci, ancien président de Nihon Unisys, est proche de chefs d'entreprises qui ont des liens étroits avec Shinzō Abe. De plus, Katsuto Momii a déclaré soutenir une réforme de la Constitution japonaise ainsi que la loi sur le secret d'État, portée par le gouvernement Abe.
Fort d'une réelle popularité et profitant d'une opposition disparate et affaiblie, il provoque en 2014 des élections législatives à l'issue desquelles il conserve, avec son allié Kōmeitō, la majorité des deux tiers à la chambre basse de la Diète du Japon. Son parti obtient à nouveau la majorité des deux tiers après les élections législatives anticipées de 2017.
À la fin de l’année 2019, Shinzō Abe devient le Premier ministre à la longévité la plus importante de l'histoire du Japon. L'année suivante, alors que son autorité est relativement affaiblie par sa gestion de la pandémie de Covid-19 et par des affaires de corruption touchant son entourage, il annonce se retirer du pouvoir à cause d'un retour de sa maladie. Un de ses proches, Yoshihide Suga, lui succède le 14 septembre 2020.
Le 8 juillet 2022, alors qu’il donne un discours lors de la campagne des sénatoriales du 10 juillet dans la ville de Nara, Shinzō Abe est gravement blessé par un homme âgé de 41 ans, Tetsuya Yamagami, ancien membre de la Force maritime d'autodéfense japonaise, qui lui tire deux fois dans le dos avec un fusil de production artisanale. L’ancien Premier ministre s’effondre et, selon plusieurs témoins, se met à saigner abondamment au niveau du cou. Les secours sur place lui pratiquent immédiatement un massage cardiaque. Abe est transporté à l’hôpital en urgence par hélicoptère quelques instants plus tard, dans un état critique, en arrêt cardiorespiratoire. Les médias rapportent qu’il ne donne plus « aucun signe vital » et le gouvernement déclare qu’il a été « abattu ». Le tireur est immédiatement arrêté. Il aurait déclaré être « insatisfait par l'ancien premier ministre » et avoir eu « l'intention de le tuer ».
Shinzō Abe est mort le vendredi 8 juillet 2022, à l'âge de 67 ans, assassiné par arme à feu, à Kashihara (Japon, préfecture de Nara). En fin de journée, la chaîne de télévision nationale NHK annonce la mort de Shinzo Abe, qui a succombé à ses blessures à l’âge de 67 ans peu après 17 heures.
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