Artiste, Cinéaste, Écrivain, Metteur en scène (Art, Cinéma, Littérature).
Italien, né le 5 mars 1922 et mort le 1er novembre 1975 (environ)
Enterré (où exactement ?).
Pier Paolo Pasolini est un écrivain, scénariste et metteur en scène italien né le 5 mars 1922 à Bologne, mort dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975 sur la plage d'Ostie, près de Rome.
Premier des enfants de Carlo Alberto et Susanna Colussi, Pier Paolo naît à Bologne le 5 mars 1922. En 1923 la famille, qui habitait alors la ville de Parme, déménage à Conegliano à cause des affectations militaires de son père. Son frère Guidalberto naît à Belluno en 1925.
En 1927 la famille Pasolini déménage à nouveau à Conegliano, où Pier Paolo est inscrit à l'école primaire avant ses six ans. L'année suivante ils déménagent à Casarsa della Delizia, village d'origine de sa mère, à cause de l'arrestation du père pour dettes de jeu, sa mère reprend son métier d'enseignante afin de faire face aux difficultés financières. La détention du père finie, les déménagements s'enchaînent de manière quasi-annuelle. Pier Paolo passe ses étés à Casarsa, « vieux bourg... gris et immergé dans la plus profonde pénombre de la pluie, tout juste peuplé d'antiques figures de fermiers et rythmé par l'intemporel son de la cloche ».
En 1929 la famille déménage à Sacile, toujours à cause du travail du père, et en cette année le jeune Pier Paolo se découvre une passion pour le dessin et la poésie, dont les sujets sont les spectacles de la nature qu'il observe à Casarsa. Après un bref séjour à Idrija, aujourd'hui en territoire slovène, la famille retourne à Sacile, où Pier Paolo passe l'examen d'admission au gymnase, et à Conegliano il commence sa première année au lycée. Le père est muté à Crémone au milieu de l'année scolaire 1932-1933 ; la famille y reste jusqu'en 1935 et un autre déménagement à Scandiano, qui engendre d'inévitables problèmes d'adaptation. Le jeune Pier Paolo élargit l'étendue de ses lectures poétiques, cultivant sa passion pour la littérature en même temps que la ferveur religieuse de son enfance diminue.
Au gymnase de Reggio Emilia il rencontre le premier véritable ami de sa jeunesse, Luciano Serra, qu'il retrouvera l'année suivante au lycée Galvani de Bologne. À Bologne, où il restera sept ans (« Belle et douce Bologne ! J'y ai passé sept ans, peut-être les plus beaux... »), Pier Paolo cultive de nouvelles passions, dont le calcio, et alimente sa passion pour la lecture en achetant des livres d'occasion aux bouquinistes du Portico della Morte. Ses lectures vont des oeuvres de Dostoïevski, Tolstoï et Shakespeare aux poètes romantiques Coleridge et Novalis.
Au Lycée Galvani il fait la connaissance d'autres amis, dont Ermes Parini, Franco Farolfi et Elio Meli, et crée avec eux un groupe de discussion littéraire, tout en poursuivant de brillantes études : il obtient d'excellentes notes, et en 1939, elles sont même si bonnes qu'elles lui permettent de sauter une classe et de passer le bac en automne de la même année. Et à seulement dix-sept ans, il s'inscrit à la faculté des lettres de l'université de Bologne. Il y découvre de nouvelles passions, dont la philologie romane et surtout l'esthétique des arts figuratifs.
Il fréquente le cinéclub, où un cycle des films de René Clair le passionne ; il se consacre au sport et devient capitaine de l'équipe de football de la faculté des lettres ; il fait des balades en vélo avec ses amis et fréquente les sorties estivales en camping organisées par l'université. Il rencontre souvent ses amis le groupe se décrira « viril et guerrier » non seulement dans les salles de l'université, mais aussi dans d'autres lieux créés par le régime fasciste pour le jeunesse, dont le Gruppo Universitario Fascista (GUF), les campings de la Milizia, et les joutes culturelles oraganisées dans la région. À cette période il lit les Occasioni de Montale, ainsi que des oeuvres de Ungaretti et des traductions en italien des poésies lyriques grecques, faites par Quasimodo ; à part la poésie, il lit Freud et tout ce qu'il peut trouver traduit en italien.
Comme chaque année, la famille Pasolini passe l'été 1941 à Casarsa, où Pier Paolo écrit des poèmes qu'il envoie à ses amis bolognais avec ses lettres, dont son ami Serra, ainsi que Francesco Leonetti et Roberto Roversi. Ces vers expriment un fort esprit de solidarité :
« L'unité spirituelle est notre manière unitaire de nous sentir importants, nous formons déjà un groupe, et presque une nouvelle poésie ; du moins, je le crois. »
Les quatre jeunes hommes songent à fonder un magazine appelé Eredi (« Héritiers »), que Pasolini souhaite imprégner d'un programme social : « Devant Eredi nous devrons être quatre, mais par pureté un seul. »
Le magazine ne verra jamais le jour à cause des restrictions gouvernementales sur le papier, mais l'été 1941 restera gravé pour toujours dans la mémoire des quatre amis.
C'est à cette époque que Pasolini commence à écrire des dialogues en frioulan, même si les poésies envoyées à ses amis restent écrites en italien.
De retour de Casarsa au début de l'automne, il découvre combien le frioulan lui tient à coeur. Des derniers mois de 1941 aux premiers de 1942 il écrit des vers qui seront rassemblés dans un petit livre appelé Poesie a Casarsa, publié à compte d'auteur et ensuite commentés par Gianfranco Contini (qui les jugera bons), Alfonso Gatto et le critique Antonio Russi.
Il reprend une vie culturelle mouvementée à Bologne, surtout dans l'université, et, suite aux bonnes critiques de Francesco Arcangeli sur ses peintures, il envisage d'écrire une thèse sur l'art italien contemporain avec Roberto Longhi, professeur d'histoire de l'art qui lui avait fait découvrir, à travers un cours sur les peintres Masolino, Masaccio, Piero della Francesca et Le Caravage, ce qu'il apparentera immédiatement au cinéma. Pasolini n'écrit que les premiers chapitres de sa thèse avant de renoncer et de passer à une autre, plus motivante pour lui, sur la poésie de Giovanni Pascoli. Le manuscrit de sa thèse sur l'art sera perdu le 8 octobre 1943.
Pasolini rejoit la Gioventù Italiana del Littorio (GIL), une organisation de jeunesse fasciste qui souhaite créer un magazine culturel appelé Il Setaccio, dont il devient rapidemement rédacteur en chef ; il se trouve par la suite en conflit avec le directeur de la publication, fidèle à la rhétorique du régime. Seuls sept numéros du magazine sont publiés, mais cette expérience marque le jeune Pasolini de manière positive, grâce à elle il comprend la nature régressive et provinciale du fascisme et développe un point de vue antifasciste.
La même année, il visite l'Allemagne nazie au cours d'un voyage organisé pour favoriser la rencontre des jeunesses universitaires des deux pays fascistes. Il s'y initie alors à la culture européenne qui lui était jusqu'alors inconnue. À son retour de voyage il publie, dans la revue du GUF, l'article Cultura italiana e cultura europea a Weimar (évidemment échappée à la censure), qui annonce déjà le Pasolini « corsaire » et rebelle. Dans le Setaccio il trace les principes d'un programme culturel dont les piliers sont l'effort de conscience de soi, le travail intérieur, individuel et collectif, et la sensibilité critique.
À la fin 1942 la famille décide de se réfugier au Frioul, à Casarsa, réputé plus tranquille et sûr, pour y attendre la fin de la guerre. C'est là-bas, en 1943, que le jeune Pier Paolo commence à comprendre les peurs érotiques qu'il avait auparavant essayé d'éloigner :
« Un constant malaise sans images et sans paroles qui battent à mes tempes et m'aveuglent. »
Il maintient le contact épistolaire avec ses amis, auxquels il décide de ne plus rien cacher, racontant tout ce qui lui arrive :
« Je veux être au Tagliamento, y lancer mes gestes l'un après l'autre dans la lumineuse cavité du paysage. Le Tagliamento est long, long ici. Un énorme torrent rocheux, candide comme un squelette. Nous y sommes arrivés hier en vélo, jeune indigène, avec un indigène plus jeune prénommé Bruno... »
La veille de l'Armistice du 8 septembre, il est appelé dans l'armée. Obligé de s'enrôler à Livourne en 1943, le lendemain de l'armistice il désobéit à l'ordre de rendre ses armes aux Allemands, et part se réfugier à Casarsa déguisé en paysan. Là-bas il forme, avec quelques autres jeunes passionnés de poésie, un groupe culturel qui revendique l'usage du frioulan casarsan contre l'hégémonie de celui d'Udine. Le nouveau groupe se propose de publier un magazine qui parlerait à son public tout en faisant la promotion de la poésie. Le premier numéro du magazine sort en mai 1944 sous le titre Stroligùt di cà da l'aga (en frioulan : « Lunaire [publié] d'ici, de l'eau »).
Pendant ce temps, la tranquillité de Casarsa est mise à mal par les bombardements et par les raids des fascistes qui pratiquent l'enrôlement forcé dans nouvelles forces armées de la République de Salò, ce qui suscite, par réaction, les premiers groupes de résistants. Pier Paolo essaie de se distraire le plus possible, se consacrant à ses études et à sa poésie ; entre-temps, il ouvre une petite école chez lui pour les étudiants qui ne peuvent plus rejoindre leurs écoles à Pordenone ou le gymnase d'Udine. En octobre 1944 Pier Paolo et sa mère déménagent à Versuta, qui semble être plus tranquille et plus loin des cibles militaires, son petit frère Guido a, lui, déjà rejoint les résistants de la Carnia. Les enfants du village doivent parcourir plus d'un kilomètre pour aller l'école, parce qu'il n'y en a pas dans leur village, Susanna et Pier Paolo décident d'ouvrir en une, gratuite, chez eux.
C'est au cours de cette période que le jeune Pasolini vit son premier vrai amour pour l'un des étudiants les plus âgés (« Dans ces membres brillait une ingénuité, une grâce... ou l'ombre d'une race perdue qui se réaffirme dans l'adolescence »). En même temps, Pina Kalč, une jeune violiniste slovène qui s'était réfugiée avec sa famille chez les Pasolini, tombe amoureuse de Pier Paolo. L'amour de Pier Paolo pour le jeune homme et l'amour de Pina pour lui s'entremêlent, compliquant douloureusement les derniers et longs mois de la guerre.
Le 7 février 1945 a lieu, à Porzus en Frioul-Vénétie julienne, le massacre de Porzus : une milice de partisans procommunistes massacre la Brigade Osoppo, un groupe de partisans modérés. Parmi les victimes se trouve le frère de Pasolini, Guido. Cette nouvelle n'arrive à Casarsa que quelques semaines après la fin de la guerre, plongeant Pier Paolo et sa mère dans le désarroi. Les cours continuent néanmoins dans la petite école à Versuta, où Pier Paolo est considéré comme un vrai professeur.
Le 18 février de la même année voit la fondation de l'Academiuta di lenga furlana, qui rassemble un petit groupe de poetae novi qui, sur la base des expériences de Pasolini, fondent les principes du félibrisme régional : « Frioulanité absolue, tradition romane, influence des littératures contemporaines, liberté, fantaisie. »
En août, le premier numéro de Il Stroligùt est publié, avec une numérotation différente pour le distinguer du précédent Stroligùt di cà da l'aga, paraît en même temps, la série des diarii en vers italiens publiés à compte d'auteur dans un petit volume. La même année, il rejoint l' Associazione per l'autonomia del Friuli, et après le retour de son père, prisonnier des Anglais au Kenya, Pasolini présente sa thèse, l'Antologia della poesia pascoliana: introduzioni e commenti. Avec son diplôme, le rôle de Pasolini en tant que directeur-enseignant de l'école, fortement contesté par le ministère de l'éducation car non diplômé, devient officiel.
En 1946 sort, daté de 1945, un petit recueil de poèmes appelé I Diarii aux Edizioni dell'Accademiuta, et deux poèmes choisis et commentés par Montale dans le magazine florentin Il Mondo. Isolé à Versuta la maison à Casarsa ayant été détruite par les bombardements Pasolini essaie de reconstruire ses liens avec le monde littéraire. Il écrit à Gianfranco Contini pour lui présenter le projet de transformation de Il Stroligùt de simple folio en vrai magazine. Tout de suite après la visite à Versuta de Silvana Mauri, la soeur d'un de ses amis, qui est amoureuse de lui, il part en août pour Macugnaga, où réside la famille Mauri, et profitant de l'occasion, passe à Domodossola pour voir Contini.
À Lugano où devait être décerné le prix Libera Stampa ; Contini, membre du jury, sollicite son jeune ami afin qu'il lui envoie le texte qu'il lui avait montré, L'usignolo della Chiesa cattolica, avec la seconde partie de Il pianto della rosa. L'opérette ne reçoit qu'une mention spéciale, mais réussit à sortir Pasolini de son isolement, et grâce au climat plus détendu de l'après-guerre, il recommence a sortir avec les jeunes hommes de Versuta. Il se rend à Rome en octobre, où il fait la connaissance de quelques littéraires qui l'invitent à collaborer au journal La Fiera Letteraria, et en mai il commence à écrire les premières pages d'un journal intime qu'il appelle les Quaderni rossi (« cahiers rouges ») car écrits à la main dans des cahiers d'écoliers à la couverture rouge. Il complète le drame Il Cappellano en italien et publie, une nouvelle fois aux Edizioni dell'Academiuta, un recueil de poésies, toujours en italien, appelé I Pianti.
Le 26 janvier 1947, Pasolini écrit une déclaration dans le journal udinois Libertà qui fait parler de lui dans les milieux communistes, qui démentirent son inscription dans le Parti communiste italien (PCI) : « Nous sommes, pour notre part, convaincus que seul le communisme est à la mesure de fournir une nouvelle vraie culture, une culture qui sera morale, l'interprétation de l'existence entière. ». Après la guerre, Pasolini, qui hésita longtemps entre les deux camps, observa les nouvelles exigences de justice nées des rapports entre les chefs et les plus démunis et n'eut plus de doute quant au côté où il devait être. Il cherche à consolider une première ébauche de doctrine par la lecture de Karl Marx et surtout des premiers livres d'Antonio Gramsci. Il écrit à son amie, la poète Giovanna Bemporad :
« L'autre est toujours infiniment moins important que le moi, mais ce sont les autres qui font l'histoire. »
Et c'est en pensant aux autres qu'il prend la décision d'adhérer au parti communiste.
Pasolini souhaite prolonger sa collaboration avec le magazine de l'Academiuta et avec les littératures néolatines ; grâce à Contini il fait la connaissance du poète catalan en exil, Carles Cardó. C'est à Contini qu'il envoie les recueils complets de ses poésies en frioulan, encore sous le titre de Cjants di un muart, peu après changés en La meglio gioventù. Il ne réussit pourtant pas de les faire publier ; malgré cela, il se sent heureux et écrit à ses amis : « Je suis serein et en proie à une avide et dionysiaque allégresse. ».
Vers la fin de 1948, il commence à enseigner la littérature à l'école de Valvasone, qu'il rejoint tous les matins à vélo. Il continue son activité au sein du PCI, participant, en janvier, à la manifestation organisée à San Vito par la Camera del lavoro pour obtenir l'application du projet de loi Lodo De Gasperi. C'est à cette occasion que, observant les conflits avec la police et parlant avec les jeunes, il imagina un projet de roman sur ce monde bouleversé. Le premier titre du roman sera La meglio gioventù. Toujours au sein du PCI, en février 1949 il participe au premier congrès de la Federazione comunista de Pordenone, et en mai de la même année il part pour Paris pour assister au Congrès mondial de la paix. En octobre, il est accusé de détournement de mineur et autres actes obscènes en public ; ses adversaires politiques se réjouissent du scandale et lui reprochent son homosexualité tandis que les dirigeants du PCI d'Udine décident de l'exclure du parti. L'exercice de l'enseignement lui est également interdit.
S'ensuivent deux mois fort difficiles pour Pasolini, qui en janvier 1950 se réfugie à Rome avec sa mère. Les premières semaines à Rome sont difficiles pour le jeune Pier Paolo, qui peine à trouver du travail. Pendant qu'il cherche à donner des cours privés, il s'inscrit au syndicat de Cinecittà et s'offre en tant que relecteur d'un journal. Il réussit à publier quelques articles dans quelques journaux catholiques, et continue à écrire les romans qu'il a entamés au Frioul : Atti impuri, Amado mio, La meglio gioventù. Il commence à écrire Les Ragazzi et quelques oeuvres romaines, dont Squarci di notte romane, Gas e Giubileo, qui seront publiés dans le recueil Alì dagli occhi azzurri. C'est grâce son nouvel ami Sandro Penna, dont il est inséparable et avec qui il se promène la nuit le long du Tibre, qu'il fait la connaissance du jeune plâtrier Sergio Citti, qui lui apprend l'argot et le dialecte romains, devenant, comme le dira Pasolini, son « dictionnaire vivant ». Il compose dans cette période les poésies qui seront réunies dans Roma 1950 - Diario, publié en 1960 par Scheiwiller. Il est embauché comme enseignant à une école de Ciampino non encore reconnue. Pendant l'été il publie son conte Il Ferrobedò dans la revue Paragone, qui devint un chapitre de Ragazzii di vita, ainsi que le court poème L'Appennino, qui ouvre Le cenere di Gramsci et d'autres contes romains. À cette époque il fait la connaissance de Giorgio Caproni, Carlo Emilio Gadda et retrouve Attilio Bertolucci, élève, comme lui, de Longhi à Bologne, grâce auquel il signe son premier contrat éditorial pour son Antologia della poesia dialettale del Novecento, qui sort en décembre 1952 avec un commentaire d'Eugenio Montale.
En 1953, il commence à travailler sur une anthologie de poésie populaire pour les éditions Guanda de son ami Bertolucci, qui sort en 1955 sous le titre Canzoniere italiano. Entre-temps, il publie le premier volume de vers frioulans, Tal còur di un frut. En octobre de la même année il publie dans la revue Paragone une autre anticipation du futur Ragazzi di vita, que Bertolucci montrera à Livio Garzanti, qui publia ensuite le roman.
Son premier travail dans le domaine du cinéma concerne l'écriture (en mars 1954), avec son ami Giorgio Bassani, du scénario de La Fille du fleuve, film de Mario Soldati. La meglio gioventù, son livre de poésie en frioulan, est publié en juin de la même année. Dédié à Gianfranco Contini, il gagne le prix Carducci ex aequo avec Paolo Volponi. Vittorio Sereni lui propose de publier un recueil de poésie pour la série de livres de l'éditeur La Meridiana dont il est l'éditeur avec Sergio Solmi. Ce recueil sort en janvier 1955 sous le titre Il canto popolare, qui est ensuite mêlé à son oeuvre Le ceneri di Gramsci.
Le 13 avril 1955 Pasolini envoie le manuscrit complet de Les Ragazzi à l'éditeur Garganti. Le roman sort la même année, mais le thème choisi, celui de la prostitution masculine, lui vaut des accusations d'obscénité. Malgré l'intervention de certains critiques, dont Emilio Cecchi, Asor Rosa et Carlo Salinari, les accusations seront féroces, l'écartant des prix Strega et Viareggio. Toutefois le roman est un grand succès auprès du public, lui offrant le prix Colombi-Gudotti de la part d'un jury présidé par Giuseppe de Robertis, à Parme. Entre-temps, le magistrat de Milan reçoit une plainte contre le livre, pour « caractère pornographique ».
Le 28 octobre 1955 son vieil ami Francesco Leonetti lui écrit, disant qu'il est temps de créer une nouvelle revue. Il annonce ce que sera peu après Officina, magazine dans la mouvance du précédent Eredi. Le projet du magazine, lancé par Leonetti et Roberto Roversi, est formulé cette année-là au cours plusieurs rendez-vous que Pasolini ne rate jamais.
Toujours en 1955, sort son anthologie de la poésie populaire, Canzoniere italiano, avec une dédicace à son frère cadet Guido. En juillet, Pasolini va à Ortisei avec Giorgio Bassani pour travailler sur le scénario d'un film de Luis Trenker. C'est la période où commencent à se développer ses passions parallèles, le cinéma et la littérature. Pasolini écrit à Contini :
« J'avance parallèlement sur deux voies, vers de nouvelles stations. Je ne suis pas horrifié comme le seraient les littéraires médiocres ici, à Rome : je ressens un peu d'héroïsme. »
Pendant ce temps, la polémique suscitée par la critique de Les Ragazzi continue. Pasolini publie, dans le numéro d'avril d'Officina, un article contre Salinari et Trombatore, qui écrivent pour le Contemporaneo.
En juillet se tient, à Milan, le procès contre Les Ragazzi, qui se conclut avec un acquittement, en grande partie grâce au témoignage de Carlo Bo. Bo déclare que le livre est riche en valeurs religieuses « parce qu'il encourage la piété parmi les plus pauvres et démunis » et qu'il ne contient rien d'obscène parce que « les dialogues sont des dialogues de jeunes, et l'auteur sentait la nécessité de les représenter en tant que tels ».
Au mois d'août il écrit le scénario du film de Mauro Bolognini, Marisa la civetta ; en même temps, il collabore avec Federico Fellini sur Les Nuits de Cabiria.
Alternant son travail de cinéaste avec celui d'écrivain, il écrit, pendant cette période, des critiques dans l'hebdomadaire Il Punto (la première traite de La Bufera de Montale), et il aide les jeunes écrivains de Officina, comme Arbasino, Sanguineti, et Alfredo Giuliani, qui émergeront ensuite en tant que membres du Gruppo 63.
Il se fait de nouveaux amis, dont Laura Betti, Adriana Asti, Enzo Siciliano et Ottiero Ottieri.
Inspiré par les évènements politiques et idéologiques du moment (dont le XXe congrès du Parti communiste de l'Union soviétique, qui signale la fin de l'ère stalinienne, mettant en évidence les événements en Pologne et en Hongrie), 1956 est l'année de la version définitive du livre Le ceneri di Gramsci et voit la première petite ébauche du roman Une vie violente.
Le manuscrit de Ceneri di Gramsci, composé de onze courts poèmes écrits entre 1951 et 1956, est envoyé aux éditeurs Garzanti en août 1957. Cette oeuvre suscite, tout comme Les Ragazzi, une forte critique mais reste populaire auprès du public, qui épuise la première édition en 15 jours. Il gagne le prix Viareggio en août de la même année, ex aequo avec Poesie, de Sandro Penna.
Italo Calvino avait déjà exprimé, avec de dures paroles, son opinion sur les conflits d'intérêt de certains critiques marxistes, soutenant que pour la première fois « d'une manière extraordinairement réussie, un conflit d'idées, une problématique culturelle et morale devant une concession au monde socialiste viennent d'être exprimés dans une grande composition poétique. »
Pasolini collabore à Vie Nuove en juillet en tant qu'invité spécial et va au Festival de la jeunnesse à Moscou tandis que l'éditeur Longanesi publie les vers de L'usignolo della Chiesa cattolica. Il travaille beaucoup sur Une vie violente, il écrit son premier scénario sans collaboration, La vita brava, et collabore avec Bolognini sur Giovani mariti.
Il termine d'écrire Une vie violente en décembre 1958 et la donne à Garzanti en mars de l'année suivante. Après un long travail d'« autocensure » rendu nécessaire surtout à cause d'une partie considérée « dangereuse » par l'éditeur, le livre sort en mai 1959. Il n'obtient ni le prix Viareggio ni le prix Strega. Toutefois, étant apprécié et estimé par un groupe de littéraires, il obtient le prix Crotone d'un jury composé de Ungaretti, Debenedetti, Moravia, Gadda et Bassani.
Pendant l'été il fait un voyage tout au long de la côte italienne pour un reportage pour le mensuel Successo ; il y écrit trois chapitres de ce qui deviendra La lunga strada di sabbia. Il traduit L'Orestie d'Eschyle pour la compagnie de théâtre de Vittorio Gassman et réarrange les vers de La religione del mio tempo.
Pendant ce temps, l'Azione Cattolica l'attaque en justice pour « obscénité » dans Une vie violente, procès qui sera tout de suite classé sans suite.
En 1960 Pasolini commence à écrire les premiers brouillons du livre d'essais Passione e ideologia, arrange les vers de La religione del mio tempo, et surtout, se dédie à son amour pour le cinéma en écrivant les scénarios de Ça s'est passé à Rome de Bolognini, Il carro armato dell'8 settembre de Gianni Puccini, La lunga notte del '43 de Florestano Vancini (d'après le roman de Bassani), et Le Bel Antonio, du roman de Vitaliano Brancati.
Il a en tête un projet d'écrire un film qui serait appelé La commare secca, mais les événements de ce mois de juillet concernant la chute du gouvernement Tambroni lui font mettre ce projet de côté pour travailler sur Accattone.
Son ami Bolognini lui trouve un producteur, Alfredo Bini, auquel Pasolini explique comment il veut que le film soit tourné : avec beaucoup de premiers plans, la prédominance des personnages sur les paysages et, surtout, une grande simplicité. Le protagoniste sera Franco Citti, frère de Sergio. Federico Fellini, pour lequel il avait écrit une scène de La dolce vita, l'aide à tourner deux séquences du film.
Le 30 juin de la même année, Pasolini est attaqué en justice par la police pour complicité dans un crime. Il aurait pris deux jeunes de Trastevere en voiture après une bagarre à laquelle ces jeunes auraient pris part. Il est acquitté, mais l'acharnement de la part d'autrui à l'attaquer ainsi lui laisse un goût amer :
« C'est de la cruauté ; celui qui se trouve frappé est pris d'une profonde douleur ; cela lui donne l'impression d'un monde totalement incompréhensible où il est inutile de parler, de se passionner pour quelque chose, de discuter ; cela lui donne l'impression d'une société où, pour survivre, on ne peut que devenir cruel, répondre à la cruauté par de la cruauté... Certes, ce que je dois payer est particulièrement lourd, parfois je me trouve désespéré, je vous le dis sincèrement. »
Toujours en 1960, deux volumes de ses vers sont publiés : Roma 1950 - Diario et Sonnetto primaverile. Avant le Nouvel an 1961, il voyage en Inde avec Moravia et Elsa Morante, voyage dont il tire une série d'articles pour le journal Il Giorno, et qui formeront pour partie son livre L'odeur de l'Inde. En mai est publié le recueil La religione del mio tempo, très prisé de son ami Franco Fortini, qui lui écrit : « Je voudrai que tu sois là pour pouvoir te serrer dans mes bras. ».
Le tournage d'Accattone commence au mois d'avril et le film est présenté à la Mostra de Venise en septembre. Il n'est pas particulièrement apprécié par la critique italienne, mais reçoit des éloges à Paris, notamment de Marcel Carné et André Chamson.
En automne 1961, il se rend dans la villa d'une amie pour écrire, avec Sergio Citti, le scénario de Mamma Roma ; le tournage se fait au printemps 1962, avec comme protagoniste Anna Magnani.
Entretemps, il termine son roman en frioulan, Il sogno di una cosa, qui est publié en mai, et entre avril et juin il travaille sur le tournage de Mamma Roma, qui est présenté à la Mostra de Venise, où il remporte un franc succès.
En septembre de la même année, Pasolini participe à une conférence à la citadelle d'Assise, où il a l'occasion de lire l'Évangile selon Matthieu. De cette lecture naît l'idée d'un film. Entre-temps, il travaille, avec le producteur Bini ainsi que Roberto Rossellini, Jean-Luc Godard et Ugo Gregoretti, sur un film à épisodes. C'est à cette occasion qu'il pense faire un court-métrage sur une reconstruction cinématographique de la la Passion du Christ, écrit pendant le tournage de Mamma Roma sous le titre de La Ricotta. Le film sort en salles le 1er mars 1963, accueilli par un public peu enthousiaste. Le jour même de sa sortie, il est accusé d'« insulte à la religion d'État ». Alberto Moravia en dira :
« L'accusation était celle d'insulte à la religion. Beaucoup plus juste aurait été d'accuser le réalisateur d'avoir insulté les valeurs de la petite et moyenne bourgeoisie italienne. »
Le procès, tenu à Rome les 6 et 7 mars, condamne Pasolini à quatre mois de réclusion pour avoir été « coupable des délits dont on l'accuse », le film est confisqué jusqu'en décembre de la même année.
Toutefois, il continue à rester en contact avec la citadelle d'Assise et en février il commence les recherches philologiques et historiques pour réaliser le projet du film sur les Évangiles.
Avec l'expert biblique don Andrea Carraro et un groupe de techniciens, il voyage en Israël et en Jordanie pour y trouver les lieux et les personnes adaptés au tournage du film. Le cinéaste est déçu par la modernité trop apparente des paysages et renonce à y situer son film, mais les images tournées sur place deviennent, sous l'impulsion du producteur Alfredo Bini, un film à mi-chemin entre le carnet de voyage et la réflexion intérieure : « Repérages en Palestine ». Le film a ensuite été tourné dans le sud de l'Italie, encore pauvre et archaïque.
Mais l'acteur le plus difficile à trouver est celui qui incarnera le Christ, à qui Pasolini souhaite donner une allure forte et décisive.
Après l'avoir cherché parmi des poètes, dont Evtusenko, Ginsberg et Goytisolo, il trouve par hasard un étudiant espagnol à l'aspect fier et détaché, tel celui peint par Goya.
Pendant les préparations pour le film, Pasolini réalise un film-enquête sur la vie sexuelle des italiens, Comizi d'amore. Il commence à écrire La Divine Mimésis, Il Vantone, une réecriture romanesque des Miles gloriosus de Plaute, et, sur demande de Vittorini, il présente quelques-unes de ses poésies dans la revue Menabò et la Notizia su Amelia Rosselli.
En mai 1964 il publie son quatrième recueil de vers en italien, Poesia in forma di rosa, et le 24 avril il commence le tournage de l'Évangile selon Mathieu, qui se conclut au début de l'été. Le film, présenté à la Mostra de Venise en septembre, est réprimé par les intellectuels de gauche, parmi eux Sciascia et Fortini. Le film est présenté à Paris et y est mal accueilli par plusieurs critiques de gauche, dont Jean-Paul Sartre. Mais le film, sorti dans tous les pays européens, est un grand succès auprès du public et participe à la Prima mostra internazionale del nuovo cinema, à Pesaro. Pasolini y rencontre Roland Barthes.
En octobre 1965 commence le tournage du film Des oiseaux, petits et gros, qui parle de la crise politique interne du Parti communiste italien et du marxisme « idéocomique ». Les acteurs choisis sont Totò et le jeune Ninetto Davoli. Totò est choisi parce que le film, qui alterne entre le réel et le surréalisme, a besoin d'un acteur qui soit un peu clownesque.
C'est en novembre de la même année que sort le recueil narratif avec un titre suggéré par Sartre, Alì agli occhi azzurri, dont le milieu contient les scénarios de Les Garçons, Accattone, Mamma Roma et La ricotta tandis que les première et dernière parties sont des contes écrits dans les années 1950, ainsi que des ébauches des romans Il Rio della grana et La Mortaccia.
Cette année-là, 1965, il est invité à diriger, avec Moravia et Alberto Carrocci (directeur de Solaria), la nouvelle série du magazine Nuovi Argumenti. À la fin de l'année, il voyage en Afrique du nord après avoir envisagé un nouveau film avec Totò et la réalisation d'un opéra lyrique à la Piccola Scala.
Déjà atteint d'un ulcère, en mars 1966 il se voit alité à cause d'une forte hémorragie. C'est l'occasion de relire tranquillement les Dialogues de Platon, qui l'encouragent à écrire une pièce de théâtre dans un style similaire à la prose. Sa convalescence terminée, il travaille sur Bestemmia, un roman sous forme de scénario et vers, et commence à travailler sur Orgia et Bestia da stile. Entre mai et juin il travaille également sur quelques drames qu'il veut présenter à l'étranger.
Le 3 mai, Des oiseaux, petits et gros est un grand succès au Festival de Cannes. L'opinion positive de Roberto Rossellini pendant une conférence de presse suscite un vif intérêt pour le film.
Entre le printemps et l'été de 1966 il écrit le scénario du film Théorème et OEdipe roi, ainsi que les drames Piliade, Porcile et Caldéron. En août il va à New York ; pendant son séjour il songe à tourner un film sur saint Paul dans cette ville. Il y rencontre Allen Ginsberg, ainsi que l'année suivante, à Milan.
Au début du mois d'octobre il va au Maroc pour y étudier les lieux de tournage de OEdipe roi et en novembre il tourne un court-métrage appelé La terra vista della luna (avec Silvana Mangano, Totò et Ninetto Davoli).
De retour au Maroc, il réalise, en seulement une semaine, le tournage du court-métrage Che cosa sono le nuvole ?.
En avril il commence le tournage d'OEdipe roi dans le désert rouge du sud du Maroc, qui continue, pour quelques scènes, sur la plaine de Lodi et enfin à la ville de Bologne. Le film, présenté à la Mostra de Venise la même année, n'est pas un grand succès en Italie mais reçoit les faveurs du public et de la critique en France et au Japon.
Dans la même année, il écrit des essais de théorie et de techniques de la cinématographie qui seront recueillis dans un tome en 1972 sous le titre Empirismo eretico.
En mars 1968 est publié le roman Théorème, transformé en film et présenté à la Mostra de Venise la même année, y gagnant le second prix de la carrière cinématographique de Pasolini, le prix Ocic. Jean Renoir assiste à la première et déclare à un journaliste : « À chaque image, à chaque plan, on sent le trouble d'un artiste. ».
Après la bataille de Valle Giulia, conflit entre les jeunes et la police, qui avait occupé de manière préventive la faculté romaine d'architecture, Pasolini écrit le poème Il PCI ai giovani!!. Destiné à être publié dans le magazine Nuovi Argomenti, il sort sans préavis dans L'Espresso, déclenchant une forte polémique. Dans le poème Pasolini s'insurge contre les jeunes, leur disant que leur révolution est fausse car ils sont des bourgeois conformistes, instruments de la nouvelle bourgeoisie.
« J'ai passé ma vie à haïr les vieux bourgeois moralistes, il est donc normal que je doive haïr leurs enfants, aussi... La bourgeoisie met les barricades contre elle-même, les enfants à papa se révoltent contre leurs papas. La moitié des étudiants ne font plus la Révolution mais la guerre civile. Ils sont des bourgeois tout comme leurs parents, ils ont un sens légalitaire de la vie, ils sont profondément conformistes. Pour nous, nés avec l'idée de la Révolution, il serait digne de rester fidèles à cet idéal. »
Le poème est instrumentalisé par quelques-uns à leurs fins, non comprise par d'autres ; il est, encore aujourd'hui, très cité pour souligner des idées différentes, son auteur oublié.
L'Espresso publie une « table ronde » quelques semaines après la publication du poème, table ronde à laquelle Pasolini participe.
La même année, Pasolini tourne La sequenza del fiore di carta avec Ninetto Davoli, sur la parabole évangélique du figuier stérile, qui sort l'année suivante, en 1969, en tant que troisième épisode du film Amore e rabbia.
Il publie entre-temps, dans Nuovi Argomenti, un essai appelé Manifesto per un nuovo teatro, dans lequel il déclare son refus complet du théâtre italien, et une critique négative du travail de Dario Fo.
Le 27 novembre sa pièce de théâtre Orgia est joué au Teatro Stabile di Torino, oeuvre qui sera mal reçue par le public et la critique.
À la fin 1968 il commence le tournage de Porcherie, qui est un exemple de sa période métahistorique, ayant comme sujet le volcan Etna. Il eut l'idée du film en 1965 après avoir vu Simone nel deserto de Luis Buñuel. Les scènes se déroulant dans le présent furent tournées à Villa Pisana, dans la ville de Stra.
Après Porcile, qu'il décrit comme son « film le plus réussi, au moins extérieurement », il réalise Médée, choisissant comme actrice principale la chanteuse Maria Callas. Le film est tourné en Cappadoce, à Grado et à Pise.
Pendant la post-production du film il voyage en Afrique et visite l'Ouganda et la Tanzanie. Il y cherche les lieux où tourner son prochain film, Carnet de notes pour une Orestie africaine.
Porcile est montré à la Mostra de Venise le 30 août et y est jugé affreux et incompréhensible.
Pendant l'été 1970 il écrit des scénarios basés sur dix romans, la plupart tragicomiques, comme le Décaméron, qu'il transpose dans le milieu napolitain. Il décide d'en réaliser trois pour composer la « trilogie de la vie » : Le Décaméron, Les Contes de Canterbury et Les Mille et Une Nuits. En septembre, il commence à tourner les premières scènes à Caserta Vecchia avec Ser Ciappelletto, ainsi qu'à Naples et à Merano. C'est la première fois qu'apparaît le corps nu d'un homme dans ses films. « Le corps : voilà une terre que le pouvoir n'a pas encore conquis. »
Entretemps on lui propose de publier sous le titre Bestemmia toutes ses poésies, du premier petit livre en frioulan publié en 1942, au volume inédit Trasumanar e organizzar.
Au début de l'année 1971 il tourne un documentaire intitulé 12 décembre, avec la collaboration de quelques membres de Lotta Continua, sur l'attentat de la piazza Fontana. En mars il devient directeur de la publication de ce mouvement ouvrier. En avril il est accusé d'« instigation à commettre des délits et apologie de crime », mais il ne semble pas s'en préoccuper et écrit :
« Je m'en fous s'ils me mettent en prison. C'est quelque chose qui n'a pas d'importance pour moi : pour moi ça ne ferait aucune différence, surtout du point de vue économique. Si je finis en prison, je pourrai lire tous les livres que jusqu'alors je n'oserais pas lire. »
Pendant ce temps, il écrit une critique de Satura de Montale, et en avril sort son dernier recueil de poésies, Trasumar e organizzar, qui est accueilli par des lecteurs et des critiques distraits. Il écrit le scénario pour Les Contes des Canterbury pendant que son film Le Décaméron gagne le second prix à la Berlinale le 28 juin.
En 1972, son recueil d'essais, Empirismo eretico, est accueilli avec indifférence par les critiques. Il continue à travailler sur son roman, Pétrole, pour lequel il a déjà écrit plus de cinq cents pages ; il pense y travailler « peut-être pour le reste de ma vie ».
Après les neuf semaines que dure le tournage des Contes de Canterbury, film tourné en Angleterre, et sans même attendre que ce film sorte en salle, il commence à écrire le scénario du dernier film de sa trilogie. Il fait plusieurs reconnaissances aériennes en Égypte, au Yémen, en Iran, en Inde et en Érythrée.
En novembre il commence à collaborer avec l'hebdomadaire Tempo illustrato, s'occupant des critiques littéraires qui sortiront plus tard en forme de livre sous le titre de Descrizioni di descrizioni.
Au début de 1973 il accepte de travailler pour le Corriere della Sera. Son premier article y paraît le 7 janvier. Appelé Contro i cappelli lunghi (« Contre les cheveux longs »), c'est le premier d'une série d'interventions dans les domaines politique et de la mode, ainsi que du comportement public et privé des italiens. Ces articles seront publiés dans le volume Scritti corsari.
S'intéressant à un projet de film sur le Marquis de Sade, il se met à étudier de manière intense le concept kantien de « mal radical », qui réduit l'humanité entière en esclaves du consumérisme, qui corrompt en manipulant l'âme et le corps. Pour expliquer cette conception radical Böse du monde, Pasolini analyse son cas personnel et décrit son angoisse :
« Un homosexuel, aujourd'hui en Italie, on le fait chanter, sa vie est en danger toutes les nuits. »
Le 19 janvier le Corriere della Sera publie son article Sono contro l'aborto (« Je suis contre l'avortement »), qui suscite une vive polémique.
Il finit le scénario de Il padre selvaggio, film jamais réalisé, dans les premiers jours de février, et au milieu du même mois il commence à tourner Salò, ou les 120 journées de Sodome dans la région de Mantoue.
Il écrit quelques articles pour l'hebdomadaire Il Mondo, qui feront partie du volume posthume Lettere luterane.
Dans le mois de mai sort son livre Écrits corsaires, qui recueille tous les articles qu'il a écrit pour le Corriere della Sera du 7 janvier 1974 au 18 février 1975, avec une section « Documents liés », dans laquelle sont ajoutés des critiques qu'il écrit pour l'hebdomadaire Tempo du 10 juin au 22 octobre 1974.
Toujours en mai, il voit la sortie de son roman La nuova gioventù, et pendant l'été il travaille sur le tournage de Salò.
En octobre sortent les scénarios de la Trilogie de la vie, avec une introduction de quelques pages appelée Abiura della trilogia, et il donne le manuscrit final de La Divine Mimésis à Einaudi.
Il part à Stockholm pour une rencontre à l'Institut italien de culture de la ville, puis à Paris pour relire la traduction française de Salò. Le 31 octobre il est de retour à Rome.
« Sa fin est à la fois similaire à ses oeuvres et très différente d'elles. Similaire parce qu'il avait déjà décrit, dans ses oeuvres, les manières crasseuses et atroces, et différente parce qu'il n'était pas l'un de ses personnages mais une figure centrale de notre culture, un poète qui avait marqué une époque, un réalisateur brillant, un essayiste inépuisable.(Alberto Moravia) »
Dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975, Pasolini est tué de manière brutale à coups de bâton et écrasé avec sa propre voiture sur la plage d'Ostie, près de Rome. L'homicide est attribué à un jeune prostitué romain de 17 ans, Giuseppe Pelosi, qui se déclare vite le seul responsable de la mort de Pier Paolo. Pelosi est condamné pour meurtre au premier degré. En décembre 1976 sa peine est confirmée par la cour d'appel.
Pelosi se prétend coupable du crime jusqu'en mai 2005, quand, au cours d'une entrevue pour la télévision, il affirme ne pas avoir tué Pasolini, déclarant que l'homicide fut commis par trois autres personnes. Il ne donne pas les noms des présumés meurtriers, disant seulement qu'ils avaient des accents siciliens. Il ajoute que la raison pour laquelle il a longtemps caché la vérité est qu'il craignait pour la sécurité de sa famille.
Les circonstances de la mort de Pasolini ne sont pas claires. Des contradictions dans les déclarations du meurtrier, une intervention de la part des services secrets pendant l'investigation, des impasses et des témoignages peu cohérents sont tous des facteurs qui comme les amis de Pasolini (particulièrement Laura Betti) l'ont souvent dit laissent planer de grands doutes.
Dans le film Journal intime (1993) de Nanni Moretti, on voit Moretti longer la plage d'Ostie sur sa Vespa et s'arrêter devant le lieu de l'homicide, avec comme musique de fond le Köln Concert de Keith Jarrett.
Lamento per la morte de Pasolini, chanson écrite par Giovanna Marini en décembre 1975, une narration orale populaire, dans le style du chant religieux extra-liturgique abruzze, L'orazione di San Donato.
Una storia sbagliata (1980), chanson écrite par Fabrizio De André et Massimo Bubola.
A Pa', de Francesco De Gregori (Scacchi e tarocchi, 1985).
Dans le film I magi randagi (1996), de Sergio Citti, on voit une femme partir du lieu du meurtre de Pasolini.
Film écrit et réalisé par Mario Verger, Pasolini requiem, lors du trentième anniversaire de sa mort.
Les réalisateurs Daniele Ciprì et Franco Maresco dédicacèrent un court-métrage appelé Arruso à Pasolini.
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Les meilleures citations de Pier Paolo Pasolini.
Les biens superflus rendent la vie superflue.
La mort, ce n'est pas plus communiquer, c'est ne plus être compris.
Il n'est point dessein de bourreau qui ne lui soit suggéré par le regard de la victime.
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très grand poète, penseur de son temps, de l'actuel, assassiné à cause qu'il dénonçait des complots politico-mafieux