Oskar Gröning, né le 10 juin 1921 à Nienburg-an-der-Weser et mort le 9 mars 2018, fut le comptable du camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz, avec le grade de sergent : Unterscharführer. De 1942 à 1944, il y fut responsable du triage et du comptage de l’argent volé aux prisonniers exterminés, ainsi que, dans de plus rares occasions, de la garde de prisonniers internés dans le camp. Au cours de son séjour au camp, il fut le témoin de l’intégralité du processus d’extermination mis en place par les nazis. Après avoir été transféré du camp vers une unité d’active en 1944, il fut capturé par les troupes britanniques le 10 juin 1945 lorsque son unité se rendit. Temporairement détenu dans un ancien camp de concentration, Gröning fut transféré en 1946 en Angleterre en tant que travailleur forcé. Il retourna ensuite en Allemagne pour y vivre une vie relativement normale, préférant garder le silence sur son passé à Auschwitz. Il se décida toutefois à en faire publiquement état lorsqu’il fut mis au courant de l’existence du négationnisme. Depuis lors il a ouvertement critiqué ceux qui nient les événements dont il fut le témoin. À la fin d'un procès pour « complicité de meurtres dans au moins 300 000 cas » commencé le 21 avril 2015 à Lunebourg (Basse-Saxe), il fut condamné à quatre ans de prison pour « complicité » dans le meurtre de 300 000 Juifs. C'est la première fois que la justice allemande a admis que la participation active aux faits reprochés n'était pas nécessaire pour être condamné (John Demjanjuk avait été condamné sur cette base mais il avait fait appel et était mort avant le jugement définitif).
Né le 10 juin 1921 à Nienburg-an-der-Weser, en Basse-Saxe, Gröning était le fils d’un ouvrier textile qualifié qui faisait montre d’un conservatisme strict. Sa mère mourut alors qu’il était âgé de quatre ans. Son père, fièrement nationaliste, se joignit au Stahlhelm après la défaite de l’Allemagne à la fin de la Première Guerre mondiale et son dépit face à la manière dont était traité son pays à la suite du traité de Versailles s’accrut lorsque son entreprise textile fit faillite en 1929 en raison d’un capital insuffisant.
Gröning était fasciné par les uniformes militaires et l'un de ses premiers souvenirs était la contemplation de photographies de son grand-père sur son cheval et jouant de la trompette alors qu’il servait dans un régiment d’élite du duché de Brunswick.
Selon Gröning, son enfance fut marquée par la discipline, l’obéissance et l’autorité. Il s’affilia en 1930 au Scharnhorst, l’organisation de jeunesse du Stahlhelm, et, par la suite, à la Hitlerjugend une fois que Hitler fut arrivé au pouvoir en 1933. Influencé par ses valeurs familiales, il estimait que le nazisme était une chance pour l’Allemagne et croyait que les nazis « étaient les personnes qui voulaient le meilleur pour l’Allemagne et faisaient quelque chose pour y arriver ». Il participa à l’autodafé de livres écrits par des Juifs et par d’autres auteurs considérés comme dégénérés par les nazis en pensant qu’il aidait l’Allemagne à se libérer d’une culture étrangère. Gröning considérait que le national-socialisme avait un effet positif sur l’économie, notamment en réduisant le chômage.
Gröning quitta l’école avec d’excellentes notes et commença un stage d’employé de banque à l'âge de dix-sept ans. La Seconde Guerre mondiale éclata peu après son entrée dans la banque : huit des trente employés furent mobilisés dans la Wehrmacht, ce qui permettait aux autres stagiaires d'espérer une rapide ascension professionnelle. Nonobstant ces possibilités, Gröning et ses collègues, enthousiasmés par les victoires de l’Allemagne en France et en Pologne, souhaitèrent s’engager.
Désireux de servir dans une unité militaire d’élite, Gröning jeta son dévolu sur la SS. À l’insu de son père, il s’y engagea dans un hôtel où les SS recrutaient. Selon Gröning, son père fut déçu de l’apprendre lorsqu’il revint à la maison.
Oskar Gröning se décrivit plus tard comme un « bureaucrate » qui se satisfaisait de son rôle de salarié dans l’administration SS, qui lui garantissait à la fois les aspects militaire et administratif qu’il attendait d’une carrière.
Gröning travailla comme comptable pendant un an jusqu’en 1942. À cette date, la SS décida que les emplois administratifs devaient être réservés aux vétérans blessés et que les employés de bureau aptes au service devaient se voir attribuer des tâches plus stimulantes. Gröning et environ 22 de ses collègues partirent pour Berlin, où ils firent leur rapport à l’un des bureaux économiques de la SS. Plusieurs officiers SS de haut rang leur firent un exposé au cours duquel leur fut rappelé le serment de loyauté qu’ils avaient prêté et où il leur fut dit qu’ils pourraient s'en acquitter en effectuant une mission difficile. Cette tâche était couverte par le sceau du secret et tant Gröning que ses camarades eurent à signer une déclaration selon laquelle ils n’en révéleraient rien à leur famille et amis ni aux autres hommes de leurs unités. Ils furent ensuite séparés en petits groupes et emmenés vers différentes gares de chemin de fer où ils montèrent à bord d’un train en direction de Katowice avec l’ordre de se présenter au commandant d’Auschwitz, un endroit dont Gröning n’avait jamais entendu parler.
À leur arrivée au camp, on leur alloua des couchettes provisoires dans les baraques réservées aux SS et ils furent chaleureusement accueillis par leurs camarades, qui leur procurèrent de quoi manger. Gröning s'étonna de l’abondance de la nourriture disponible en plus des rations habituellement dévolues aux SS. Ses compagnons cherchèrent à savoir quel genre d’endroit était Auschwitz et on leur répondit qu’ils devaient le découvrir par eux-mêmes car Auschwitz était un camp de concentration d’un type spécial. Sur ces entrefaites, quelqu’un entra dans le baraquement et cria « Transport ! », ce qui amena trois ou quatre hommes à quitter la pièce.
Le jour suivant, Gröning et les autres furent interrogés au bâtiment central de l’administration SS sur leur formation avant la guerre. Un des officiers déclara que les compétences de Gröning en matière bancaire seraient utiles et l’emmena vers des baraquements où était conservé l’argent des détenus. Gröning raconte qu’on lui expliqua que lorsque les prisonniers étaient enregistrés à leur arrivée, leur argent était déposé à cet endroit et leur était restitué lorsqu’ils quittaient le camp.
Toutefois, il devint clair qu’Auschwitz n’était pas seulement un camp d’internement où les SS recevaient des rations supérieures à la moyenne, mais qu’il était utilisé pour une fonction additionnelle. Ainsi Gröning apprit-il que l’argent subtilisé aux Juifs ne leur était en fait pas restitué. Lorsqu’il chercha à obtenir davantage d’informations, ses collègues lui confirmèrent que les Juifs étaient exterminés, et que c’était en effet le cas pour ceux du transport arrivé la nuit précédente.
Les responsabilités de Gröning consistaient à trier et compter la multitude de devises prises aux déportés, à les expédier à Berlin, à assister à la sélection – non en vue de décider qui serait tué, mais pour garder les possessions des arrivants jusqu’à ce qu’elles soient triées. Il dit avoir été surpris d’apprendre l’existence du processus d’extermination, mais il accepta plus tard d'y participer, déclarant que son travail était devenu une « routine » au bout de quelques mois.
Ses tâches bureaucratiques ne purent lui permettre d’ignorer entièrement le processus d’extermination : dès son premier jour au camp, Gröning vit que des enfants cachés dans le train, ainsi que des personnes invalides qui restaient au milieu des débris et des déchets après la sélection, étaient abattus. Gröning entendit et vit également d'autre choses : « … un bébé pleurait. L’enfant gisait sur la rampe, emmailloté dans des vêtements. Une mère l’avait abandonné, peut-être parce qu’elle savait que les femmes accompagnées d’enfants étaient envoyées immédiatement à la chambre à gaz. Je vis un autre soldat SS attraper le bébé par les jambes. Les pleurs l’avaient énervé. Il frappa la tête du bébé contre le flanc d’acier d’un camion jusqu’à ce que le silence se fît ».
Après avoir été témoin de cette scène, Gröning alla trouver son supérieur pour lui expliquer qu’il ne se sentait plus capable de travailler à Auschwitz, déclarant que si l’extermination des Juifs était nécessaire, « alors il fallait du moins que cela se fasse dans un certain cadre ». L’officier refusa sa demande de mutation.
Une nuit, vers la fin de 1942, Gröning et ses camarades de baraque dans le camp SS à la lisière de Birkenau furent réveillés par une alarme. On leur expliqua qu’un certain nombre de Juifs qu’on amenait à la chambre à gaz s’étaient échappés et se cachaient dans les bois. On leur ordonna de prendre des armes et de fouiller les environs. Lorsque son groupe arriva à la zone d’extermination du camp, ils virent une ferme en face de laquelle se trouvaient des SS ainsi que les corps de sept ou huit prisonniers abattus. Les SS dirent à Gröning et à ses camarades qu’ils pouvaient rentrer chez eux mais ils décidèrent de rester dans l’ombre des arbres.
Ils virent alors un SS se couvrir d'un masque à gaz et vider un seau de Zyklon B[pas clair] dans une ouverture du mur de la ferme. Gröning raconte que le bruit provenant de l’intérieur « tourna aux hurlements » pendant une minute, puis le silence se fit. Plus tard, un de ses compagnons lui montra les corps incinérés dans un puits, où un kapo lui expliqua les détails de l’incinération, par exemple le fait que les gaz qui se développaient dans le corps semblaient faire se mouvoir les cadavres.
La tranquillité relative de son travail s’en trouva une nouvelle fois rompue et une fois de plus il se plaignit à son chef. Ce dernier, un Untersturmführer SS, l’écouta, puis lui rappela le devoir que lui-même et ses camarades avaient accepté. Gröning retourna alors à ses tâches en veillant à organiser sa vie à Auschwitz de façon à ne pas être confronté aux pires aspects du camp.
Sa demande de transfert vers une unité combattante finit par aboutir : en 1944, il fut incorporé en Ardenne à une unité SS combattante. Il y fut blessé et envoyé dans un hôpital de campagne avant de rejoindre son unité, qui allait finalement se rendre aux Britanniques le 10 juin 1945.
Conscient que déclarer « son implication dans le camp de concentration d’Auschwitz aurait été une réponse négative »[pas clair], Gröning s’efforça de ne pas attirer l’attention sur ce fait. Sur le formulaire qui lui avait été remis par les Britanniques, il écrivit qu’il avait travaillé pour le SS-Wirtschafts-Verwaltungshauptamt, parce que « le vainqueur a toujours raison » et parce que se produisirent à Auschwitz des choses qui « n’étaient pas toujours conformes aux droits de l’homme ».
Gröning et ses collègues furent emprisonnés dans un ancien camp de concentration nazi. Il fut par la suite envoyé en tant que travailleur forcé en Angleterre, où il connut une « vie très confortable ». Il bénéficia d’une bonne nourriture et gagna de l’argent, voyageant à travers les Midlands et l’Écosse, où il donna durant quatre mois des concerts, chantant des hymnes allemands et des chansons populaires anglaises devant un public britannique bienveillant.
Gröning, une fois relâché, retourna en Allemagne en 1947 ou 1948. Après avoir retrouvé sa femme, il lui dit: « Fais-nous à tous deux une faveur : ne pose pas de questions ». Il lui fut impossible de recouvrer son travail à la banque en raison de son passé dans la SS. Il obtint un travail dans une fabrique de verre, où il allait accéder à un poste à responsabilités. Il devint chef du personnel et fut nommé juge honoraire pour des affaires du tribunal du travail.
Après son retour en Allemagne, Gröning vécut avec ses beaux-parents. Lors d’un repas, ils firent « une remarque stupide à propos d’Auschwitz », impliquant qu’il était un « meurtrier réel ou possible », ce qui, selon Gröning, le fit exploser ; frappant la table du poing, il s’écria : « Ce nom et ces liens [avec Auschwitz] ne doivent plus jamais être mentionnés en ma présence, sans quoi je m’en irai ». Selon Gröning, cette exigence fut respectée.
Gröning mena une vie normale et bourgeoise après la guerre. Collectionneur de timbres assidu, un jour qu’il assistait à la réunion annuelle de son cercle philatéliste, plus de quarante ans après la guerre, il engagea une conversation sur la politique avec son voisin. Ce dernier lui déclara qu’il était « terrible » que la négation de la Shoah soit illégale en Allemagne et lui expliqua comment il était impossible de brûler autant de corps, en précisant que les quantités de gaz supposées avoir été utilisées auraient dû tuer tout organisme vivant dans le voisinage.
Gröning ne rétorqua rien, se bornant à répondre « je connais un peu plus de choses à ce sujet, nous devrions en discuter à l’occasion ». Son interlocuteur lui recommanda un pamphlet rédigé par le négationniste Thies Christophersen. Gröning en obtint une copie et l’envoya par la poste à Christophersen, après y avoir inclus son propre commentaire, qui comprenait ces mots :
« J’ai tout vu, les chambres à gaz, les crémations, le processus de sélection. Un million et demi de Juifs ont été assassinés à Auschwitz. J’y étais ».
Gröning commença alors à recevoir des appels téléphoniques d’inconnus qui lui affirmaient qu’Auschwitz n’était pas un endroit où on exterminait des êtres humains dans des chambres à gaz.
Il devint évident que ses commentaires condamnant le négationnisme de la Shoah avaient été imprimés dans une revue néo-nazie et que la plupart des appels et des lettres anonymes émanaient de « gens qui essayaient de prouver que ce que j’avais vu de mes propres yeux, ce que j’avais vécu à Auschwitz, était une grosse, grosse erreur, une grosse hallucination de ma part car cela ne s’était pas produit ».
En réponse à ces commentaires, Gröning décida de parler ouvertement de son expérience et de dénoncer publiquement les personnes qui soutenaient que les événements auxquels il avait assisté n’avaient jamais eu lieu. Il déclara que son message aux négationnistes est le suivant :
« Je souhaiterais que vous me croyiez. J’ai vu les chambres à gaz. J’ai vu les crématoires. J’ai vu les feux ouverts. Je me suis trouvé sur la rampe lorsque les sélections avaient lieu. Je voudrais que vous croyiez que ces atrocités se sont produites car j’y étais ».
Il écrivit également des mémoires d'un total de 87 pages à l'intention de sa famille.
Dans ses déclarations, Gröning refuse de se considérer comme coupable de quelque crime que ce soit et insiste sur le fait qu’il n’a pas été directement impliqué dans les massacres. Il décrit son rôle dans la machine d’extermination comme un involontaire « petit rouage dans le mécanisme », ce qui lui a inspiré en retour une culpabilité involontaire. Citant ses comparutions en vue de témoigner contre un membre de la SS accusé d’avoir assassiné des prisonniers à Auschwitz, il affirme également être innocent aux yeux de la loi, soulignant qu’il s’est exprimé en qualité de témoin et non d’accusé.
Même si Gröning a demandé à quitter Auschwitz après avoir assisté aux tueries, Laurence Rees écrit que ce le fut simplement en raison de son implication pratique, et que Gröning n’avait pas d’objection sur le principe même de l’extermination des Juifs. Il estimait normal que les ennemis de l’Allemagne fussent détruits, les moyens employés (comme les chambres à gaz) le laissant indifférent. Pour cette raison, ses sentiments en voyant des gens dont il savait qu’ils n’avaient plus que quelques heures à vivre avant d’être gazés étaient « très ambigus ». Pour Gröning, les enfants étaient assassinés parce que, sans être eux-mêmes l’ennemi, la menace était le sang qui circulait dans leurs veines : en devenant adultes, ils risquaient de devenir des Juifs dangereux. Rees attribue à l’éducation ultra-nationaliste reçue par Gröning sa justification de l’assassinat de femmes et d’enfants sans défense.
Gröning indique que les horreurs de la chambre à gaz finirent par l’atteindre lorsqu'il entendit les hurlements. Pour Rees, Gröning décrit son séjour à Auschwitz comme s’il parlait d’un autre Oskar Gröning ; le Gröning d’après la guerre s’exprime plus franchement à propos de sa vie à Auschwitz en différenciant le Gröning qui contribua à la gestion d’un camp d’extermination du Gröning moderne qui condamne l’idéologie nazie.
Les hurlements de ceux qui mouraient dans les chambres à gaz n'ont jamais quitté Gröning, selon ses propres dires, et il n’est jamais retourné à Auschwitz en raison de la honte qu’il éprouve. Il se sent coupable à l’égard du peuple juif, et coupable d'avoir appartenu à l’organisation qui a commis un tel crime contre eux, même s’il « n’a pas lui-même été un des exécutants. Il demande le pardon de Dieu et du peuple juif ».
Oskar Gröning a comparu, pour ce qui pourrait être le dernier procès d'un nazi, à partir du 21 avril 2015 au tribunal de Lunebourg Il a été condamné le 15 juillet 2015 à quatre ans de prison pour « complicité » dans le meurtre de 300 000 Juifs. La décision du tribunal est légèrement supérieure à la peine de trois ans et demi d'emprisonnement requise le 7 juillet par le parquet, mais dans le bas de la fourchette de 3 à 15 ans encourus par l'accusé. Le 3 août 2017, le parquet de Hanovre a déclaré, après expertise médicale, Oskar Gröning apte à purger sa peine d’emprisonnement malgré ses 96 ans. L’exécution de la peine n'est cependant pas ordonnée immédiatement. Le 29 novembre 2017, la cour d'appel saisie par le condamné confirme qu'il est apte à purger sa peine.
Oskar Gröning est mort le vendredi 9 mars 2018 à l'hôpital avant d'avoir pu être incarcéré.
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Comme des millions de personnes durant cette période sombre, il avait le choix entre obéir ou voir toute sa famille se faire décimer.
Aujourd'hui, nous osons dire que nous aurions su faire le bon choix ... qu'en est-il vraiment ?
Les biens pensant d'aujourd'hui n'auraient pas été à leur tour bourreau ?
Il ne mérite peut-être pas le paradis, mais ne mérite pas l'enfer non-plus : il est né en 1921 et a donc été éduqué par la propagande, on ne peut pas le lui reprocher.
Il tuez beaucoup de personne mais il était surtout victime de la propagande nazi donc 3/5