Enterré en Suisse à Zurich.
Henri Dunant, parfois orthographié Henry Dunant, né sous le nom de Jean-Henri Dunant le 8 mai 1828, à Genève et mort le 30 octobre 1910, à Heiden, est un homme d'affaire humaniste suisse et également un chrétien protestant. Il est l'un des fondateurs de la Croix Rouge.
Pendant un voyage d'affaires en juin 1859, il se trouve à proximité de la ville italienne de Solférino et découvre les dégâts humains de la bataille qui s'y déroula. À partir de cette expérience, il écrit un livre intitulé Un souvenir de Solférino qu'il publie en 1862.
Une année plus tard, il participe à Genève à la fondation du Comité international de secours aux militaires blessés, désigné dès 1876 sous le nom de Comité international de la Croix-Rouge. La première convention de Genève est ratifiée en 1864 et se réfère largement à ses propositions. Il obtient avec Frédéric Passy le premier prix Nobel de la paix en 1901 et est ainsi considéré comme le fondateur du mouvement de la Croix-Rouge internationale.
Henri Dunant est le fils aîné de cinq frères et soeurs ; ses parents, le commerçant Jean-Jacques Dunant et son épouse Antoinette Dunant-Colladon. Ses parents, appartenant à la bourgeoisie moyenne, disposent d'une influence dans la ville et s'engagent dans l'action sociale : son père est membre du Conseil représentatif, ancêtre du Conseil municipal de la ville de Genève, et se préoccupe du sort des orphelins et des anciens criminels alors que sa mère qui travaille dans le secteur de la bienfaisance en particulier pour les pauvres et les malades est la fille de Henri Colladon, directeur de l'hôpital et maire de la commune d'Avully. Les activités de bienfaisance des parents influent sur l'éducation de leurs enfants : la responsabilité sociale est tôt inculquée à Henri, à ses deux soeurs et ses deux frères cadets. À l'âge de six ans, Henri part avec toute sa famille à la découverte de la mer Méditerranée, ce voyage permet également au père de contrôler les conditions de détention des hommes d'origine genevoise incarcérés à Toulon. Le petit Henri accompagne son père lors de ces visites ; doté d'une grande sensibilité, il est choqué et horrifié. Il se distingue tôt par l'intensité de sa ferveur religieuse. Avec le désir de s'engager au niveau social, Dunant, influencé par un courant religieux présent à Genève et dans d'autres régions francophones et désigné sous le nom de Réveil s'engage à l'âge de 18 ans, après avoir été forcé de quitter l'école fondée par Jean Calvin, au sein de la Société pour des donations d'aumône. Le 30 novembre 1852, il fonde un groupe genevois qui formera le noyau de la Young Men's Christian Association (YMCA) fondée trois ans plus tard à Paris et dont la charte sera rédigée par Dunant. Sur la base de ses mauvaises notes, Dunant quitte précocement le Collège Calvin et débute en 1849 un enseignement de trois ans chez les banquiers Lullin et Sautter. Au terme de sa formation, il devient employé de banque mais reste actif au plan social.
En 1853, Dunant visite, au nom de la Compagnie genevoise des colonies suisses qui a reçu un terrain à Sétif en Kabylie par concession du gouvernement français, l'Algérie, la Tunisie et la Sicile. Malgré de faibles résultats concrets, il conduit les affaires de ses donneurs d'ordre avec succès. Inspiré de ses impressions de voyage, il rédige et publie en 1858 son premier ouvrage intitulé Notice sur la Régence de Tunis. À l'aide de ce livre, il réussit à accéder à plusieurs sociétés scientifiques.
En 1856, il fonde une société coloniale et, après avoir obtenu une concession de terres en Algérie, met en place deux ans plus tard la Société financière et industrielle des moulins de Mons-Djémila à Saint-Arnaud (actuelle El Eulma) après avoir constaté que la population de Sétif était obligée de fabriquer sa farine elle-même. Néanmoins, l'autorisation de l'exploitation d'une chute d'eau pour faire fonctionner le premier moulin moderne construit n'arrive pas car les législations sur les cours d'eau et les terres ne sont pas claires et les autorités coloniales compétentes ne se montrent guère coopératives. En 1858, Dunant prend également la nationalité française à Culoz afin de faciliter l'accès aux concessions agricoles de la puissance coloniale pour faire pousser du blé.
Une année plus tard, il décide de s'adresser directement à l'empereur Napoléon III alors que celui-ci s'est arrêté avec son armée en Lombardie. En effet, la France y combat aux côtés des Piémontais contre les Autrichiens qui occupent de grandes parties du nord de l'Italie actuelle. Le quartier général de Napoléon III se trouve dans la petite ville de Solférino située à proximité du lac de Garde. Dunant écrit d'abord un éloge à l'empereur afin que celui-ci réponde positivement à sa demande. Il se rend ensuite à Solférino afin de rencontrer personnellement l'empereur lui remettre son éloge et lui faire sa requête.
C'est au soir du 24 juin 1859 que Dunant arrive à proximité du champ de bataille de Solférino après la fin de l'affrontement entre les troupes piémontaises et françaises sous la conduite de Napoléon III d'une part et l'armée autrichienne d'autre part. Environ 38 000 blessés et morts se trouvent encore sur le champ de bataille sans que quelqu'un ne leur prête assistance. Ce que Dunant voit l'ébranle au plus profond et il organise alors spontanément avec des volontaires de la population civile locale, principalement des femmes, la prise en charge des soldats blessés et des malades. Dans la ville voisine de Castiglione delle Stiviere, il met en place un hôpital dans la Chiesa Maggiore, la plus grande église du lieu. Environ 500 des quelque 8000 à 10 000 blessés y sont conduits.
Comme il le constate rapidement, presque tout vient à manquer : du personnel (il n'y a que six médecins militaires français et aucune école d'infirmier ne forme à cette profession), des connaissances techniques, du matériel médical et de la nourriture. Dunant et ceux qui répondent à ses appels successifs ne font toutefois pas de différence entre les soldats au regard de leur appartenance nationale. Les femmes du village trouvent une phrase devenue célèbre pour justifier ce choix : « Tutti fratelli » (tous frères). Dunant réussit en outre à obtenir des Français que les médecins autrichiens faits prisonniers puissent aider à la prise en charge des blessés. Il met en place d'autres hôpitaux et fait venir du matériel à ses frais. Malgré cette aide, beaucoup de blessés viennent à mourir.
Trois années après sa visite auprès de Napoléon à Solferino, les blessures, les hurlements d'agonie et les odeurs nauséabondes hantent son esprit. Il ne parvient pas à les oublier, ce qui le pousse à écrire ce qu'il a vécu. Son livre, Un souvenir de Solférino paraît en 1862 ; il décrit la victoire de Napoléon mais fait découvrir aussi les aspects négatifs de cette victoire : les soldats battus à mort et les blessés aux agonies sans fin. L'expérience de Castiglione delle Stiviere est décisive pour Dunant, l'accumulation des soldats blessés étant pour lui indescriptible.
Sous le choc de ces événements, il retourne début juillet à Genève. Sur recommandation de sa mère, il passe d'abord un mois dans le chalet que possède un ami de la famille à Montreux. Ensuite, il part pour plusieurs semaines à Paris. Pour son action à Solférino, il reçoit en janvier 1860, en même temps que le médecin genevois Louis Appia, l'Ordre des Saints-Maurice-et-Lazare de la part du roi d'Italie Victor-Emmanuel II, la seconde plus importante distinction du royaume transalpin.
Au début de l'année 1860, il tente d'abord d'améliorer la situation financière de ses entreprises en Algérie, ce qu'il ne parvient pourtant pas à faire. En outre, puisqu'il ne peut pas oublier ce qu'il a vécu à Solférino, il écrit ses impressions de guerre à une amie vivant à Genève, la comtesse de Gasparin, qui les fait publier anonymement dans le Journal de Genève. C'est la première fois qu'on décrit les horreurs d'un champ de bataille. À son retour, il débute la rédaction d'un livre : Un souvenir de Solférino. Il y décrit la bataille, mais assiste aux souffrances et chaos des jours suivants. Il développe l'idée que les souffrances des soldats pourraient être réduites à l'avenir. Dans tous les pays, des organisations humanitaires, fondées sur la neutralité et le volontariat, devraient être autorisées à soigner les blessés en cas de guerre :
=> un militaire hors de combat à cause de ses blessures cesse d'être un ennemi et doit désormais être considéré comme un être humain qui a besoin d'aide ;
=> les médecins et les infirmiers pourront donner leurs soins sans crainte d'être capturés. Ainsi ils ne seront pas forcés d'abandonner leurs blessés en cas de percée adverse.
En septembre 1862, il fait imprimer le livre à ses propres frais par l'imprimerie genevoise Fick et distribue les 1600 exemplaires à un grand nombre de personnalités politiques et militaires de toute l'Europe. Par la suite, Dunant effectue des voyages à travers le continent pour répandre son idée. Ce livre est reçu presque unanimement de façon positive, avec intérêt et enthousiasme, alors que Dunant reçoit reconnaissance et sympathie. En décembre 1862, une deuxième édition est imprimée alors qu'au début de l'année suivante, une troisième version est imprimée et traduite en anglais, allemand, italien et suédois. Parmi le peu de réactions négatives figurent celle du ministre de la guerre français, Jacques Louis Randon pour qui le livre est dirigé « contre la France ». D'autre part, Florence Nightingale se montre étonnamment critique puisqu'elle est d'avis que les sociétés d'assistance proposées par Dunant se chargeraient d'une tâche qui incombent aux gouvernements.
Le président de la Société d'utilité publique genevoise, le juriste Gustave Moynier, fait de ce livre et des idées de Dunant le thème de l'assemblée des membres de sa société, la Société genevoise d'utilité publique, tenue le 9 février 1863. Les propositions de Dunant sont examinées et considérées comme valables et réalisables par les divers membres. Dunant lui-même est nommé membre d'une commission qui comprend également Moynier, le général Guillaume-Henri Dufour ainsi que les médecins Louis Appia et Théodore Maunoir. Pendant sa première réunion le 17 février, les cinq membres décident de transformer la commission en organe permanent, appelé le Comité des Cinq ou Comité de Genève. Ce jour est depuis considéré comme la date de création du Comité international de secours aux militaires blessés en campagne, désigné dès 1863 sous le nom de Comité international de la Croix-Rouge. Dufour en devient le premier président avec Moynier comme vice-président et Dunant comme secrétaire du comité.
Néanmoins, des divergences d'opinions se développent vite entre Moynier et Dunant en ce qui concerne différents aspects du projet. Ainsi, Moynier insiste sur la mise en place de la proposition de Dunant de placer les blessés, le personnel ainsi que les lazarets sous la protection du principe de neutralité. Moynier considère cette idée comme inexécutable et demande de ne pas persister dans cette voie. Durant ses voyages à travers l'Europe et ses entretiens avec des politiciens et militaires de haut rang, Dunant s'entretient avec eux à diverses reprises sur l'opinion de Moynier. Ce qui intensifie encore plus le conflit entre le pragmatique Moynier et l'idéaliste Dunant.
Pendant ses voyages, Dunant participe également au congrès statistique international tenu à Berlin du 6 au 12 septembre 1863. Là, il s'entretient avec le médecin militaire Jan Hendrik Christiaan Basting qui avait fourni une traduction néerlandaise de son ouvrage. Il lui demande alors de faire distribuer un mémorandum et une invitation du comité international aux participants du congrès afin qu'ils se joignent à une conférence internationale. Avec Basting et sans entretien avec les membres du comité basé à Genève, il ajoute l'idée de la neutralité des secours aux propositions contenues dans le mémorandum. Cette décision de Dunant, contraire à l'opinion de Moynier, contribue à approfondir encore plus le conflit entre les deux hommes. Basting, en tant que participant au congrès, présente les idées de Dunant aux délégués présents.
Peu après le congrès, Dunant se rend à Dresde, capitale de la Saxe, où il est reçu en audience par le roi Jean Ier. À la demande de soutien de Dunant, le souverain répond par une phrase que Dunant mentionnera à plusieurs reprises dans ses lettres à d'autres personnalités de haut rang : « Je ferai ce qui est en mon pouvoir car un peuple qui ne s'associerait pas sûrement à ces efforts philanthropiques devrait s'en expliquer à l'opinion publique de l'Europe. »
Du 26 au 29 octobre, la conférence prévue par le comité international se tient à Genève. Des représentants de quatorze États débattent des mesures concernant l'amélioration de l'aide aux soldats blessés en période de guerre. Dunant lui-même n'est, sur les instructions de Moynier, que rédacteur du procès-verbal durant la conférence. L'emblème de la Croix-Rouge est également établi lors de cette conférence préparatoire : ce symbole uniforme servant à la protection des blessés et du personnel médical est une croix rouge sur fond blanc, soit le renversement du drapeau suisse. Même si la paternité de cet emblème n'est pas précisément connue, il semblerait qu'il ait résulté d'une invention collégiale. Louis Appia formule pour sa part l'idée du brassard blanc.
Du 8 au 22 août 1864 a lieu, sur une invitation du Conseil fédéral suisse, une nouvelle conférence diplomatique dans le cadre de laquelle, le 22 août, la première convention de Genève qui établit la Croix-Rouge internationale de manière permanente est signée par les représentants de douze États. Dunant ne s'étant vu assigné pour cette conférence que la tâche de veiller à l'entretien des hôtes, il reste malgré tout, au cours des deux années suivantes, au centre de l'attention publique et reçoit de nombreux honneurs et invitations. Ainsi, il reçoit au printemps 1865 des mains de l'empereur des Français Napoléon III l'ordre de la Légion d'honneur. En mai de la même année, il s'entretient personnellement avec le souverain à Alger et reçoit de celui-ci la promesse non contraignante que les entreprises de la Croix-Rouge en Algérie seraient placées sous la protection du gouvernement français. En 1866, après la guerre austro-prussienne, il est invité aux cérémonies célébrant la victoire à Berlin par la reine Augusta de Prusse (épouse du roi Guillaume Ier). Il y voit alors flotter le drapeau blanc à croix rouge aux côtés du drapeau national durant la parade de l'armée prussienne.
L'année 1865 est marquée en Algérie par une série d'événements catastrophiques : des révoltes, une épidémie de choléra, une invasion de sauterelles, des séismes, une sécheresse et un hiver inhabituellement rigoureux. Pour toutes ces raisons, mais aussi pour une part significative parce qu'il a jusque-là négligé ses affaires pour promouvoir ses idées, la situation financière de Dunant s'aggrave sensiblement. En avril 1867 a lieu la dissolution de la société de financement participant à ses entreprises : le Crédit genevois. Son affiliation au conseil d'administration de cette société provoque un scandale et il se trouve contraint d'annoncer la faillite de sa société alors que sa famille et des amis sont également impliqués dans ses entreprises de par leurs investissements. Le 17 août, il est condamné par le tribunal de commerce genevois pour faillite frauduleuse. En raison des contraintes sociales de l'époque, ce crash économique conduit à des demandes de retrait du comité international. Le 25 août, il démissionne de son poste de secrétaire du comité et se trouve complètement exclu de celui-ci le 8 septembre. Moynier, qui a pris en charge la présidence du comité en 1864, joue un rôle essentiel dans cette exclusion.
La mère de Dunant meurt le 2 février 1868. Au cours de l'année, il est aussi exclu de la YMCA. Dès mars 1867, il avait quitté Genève qu'il ne reverra plus après son rejet par la société genevoise succédant à sa condamnation judiciaire. Moynier utilisera à différentes reprises ses relations et son influence pour empêcher que Dunant ne reçoive de l'aide financière de ses amis ou de partisans provenant de différents pays. Par ailleurs, la médaille d'or des sciences morales de l'exposition universelle de Paris ne lui est pas remise personnellement, comme prévu par le fait de manoeuvres de Moynier mais à Moynier, Dufour et Dunant, de sorte que l'argent lié au prix est transféré directement dans la caisse du comité international. L'offre de l'empereur Napoléon III de prendre en charge la moitié des dettes de Dunant, si ses amis prennent en charge l'autre moitié, échoue également à cause des manoeuvres de Moynier.
Dunant part s'établir à Paris où il vit dans des conditions très modestes. Il tente toutefois de propager à nouveau ses idées. Durant la guerre franco-allemande de 1870-1871, il fonde la Société d'assistance générale puis l'Alliance générale pour l'ordre et la civilisation. Ses objectifs sont la diminution du nombre de conflits armés, de l'ampleur des forces en présence et de l'oppression en améliorant par une formation les normes morales et culturelles des simples citoyens de la société. En outre se met en place l'Alliance pour la protection des travailleurs luttant contre l'exploitation de ces derniers de même que contre l'influence considérée comme corruptrice et athée de l'Association internationale des travailleurs fondée en 1864 à Londres. Durant le recrutement des membres de l'Alliance générale pour l'ordre et la civilisation, Dunant exigera des négociations sur le désarmement et l'installation d'une cour de justice internationale chargée de gérer les conflits interétatiques afin de les régler sans usage de la force.
Pendant le premier congrès de l'Alliance générale pour l'ordre et la civilisation tenu en 1872 à Paris, un article de Dunant concernant le traitement des prisonniers de guerre est lu aux participants. Il avait déjà écrit cet article en 1867 pour la première conférence de la Croix-Rouge mais cette contribution n'avait cependant pas été examinée. Après que ces propositions ont été adoptées avec enthousiasme par les personnes présentes, Dunant tente, à travers un voyage en Angleterre, de gagner des soutiens pour l'organisation d'une conférence internationale à propos de la question des prisonniers de guerre. Il tient des discours, notamment le 6 août à Londres et le 11 septembre à Plymouth devant les membres de la Social Science Association dont les objectifs sont comparables à ceux de l'Alliance générale pour l'ordre et la civilisation. Durant son discours à Plymouth, il connaît un malaise en raison d'une accumulation de fatigue.
Ses propositions rencontrent à nouveau une approbation et un enthousiasme certain. Peu après que Napoléon III l'ait encore assuré de son soutien, celui-ci meurt le 9 janvier 1873 d'une opération des calculs biliaires. En février 1874, Dunant est nommé secrétaire international lors du premier congrès de la Société pour l'amélioration des conditions des prisonniers de guerre nouvellement créée à Paris. Celle-ci projette la mise en oeuvre d'une conférence diplomatique pour le mois de mai de la même année et demande à Dunant d'aider aux préparations à Paris. Sur l'initiative du tsar Alexandre II de Russie, il se rend toutefois en juillet et en août 1874 à Bruxelles pour assister à une conférence similaire. Sur la base des discussions portant sur un projet du gouvernement russe destiné à élargir la convention signée à Genève, les propositions de Dunant en faveur des prisonniers de guerre ne reçoivent que peu d'attention des participants. La conférence de Bruxelles prend finalement fin sans modifications de la convention existante ou décisions concrètes quant à la question des prisonniers de guerre. Alors que Moynier, en tant que président du comité international, est satisfait de ce résultat puisqu'il craignait un manquement à la convention de Genève, Dunant en ressort déçu.
Par la suite, il recrute plus encore pour atteindre les objectifs de l'Alliance générale pour l'ordre et la civilisation. Il écrit des articles et tient des discours consacrés aussi à la lutte pour la libération des esclaves en Amérique du Nord. En outre, il conçoit en collaboration avec l'Italien Max Gracia l'idée de la fondation d'une bibliothèque mondiale qui sera reprise environ un siècle plus tard par l'Unesco. Parmi ses autres idées visionnaires figurent la fondation d'un État d'Israël. En raison de l'engagement pour ses idées, ses affaires personnelles sont négligées et il s'endette encore plus, ce qui pousse son entourage à l'éviter. Même le mouvement de la Croix-Rouge, qui s'est étendu plus encore par la fondation de sociétés nationales dans nombre de pays, l'a presque oublié même si les sociétés d'Autriche, des Pays-Bas, de Suède, de Prusse et d'Espagne le nomment comme membre honoraire. La guerre franco-allemande et la vie politique française après la fondation de la Troisième République constituent un autre tournant dans la vie de Dunant. Il se retire encore plus de la vie publique et développe une timidité prononcée qui marquera de façon décisive son comportement jusqu'à la fin de sa vie.
Entre 1874 et 1886, il poursuit une vie en solitaire, dans la misère matérielle, vivant notamment à Stuttgart, Rome, Corfou, Bâle et Karlsruhe. Peu de détails de sa vie durant cette période sont connus. Mais le soutien financier de divers amis ainsi que des activités occasionnelles, où des connaissances et des garants lui permettent d'engranger de petits gains, l'empêchent de sombrer. Parmi ses soutiens figurent le banquier américain Charles Bowles qui avait pris part en tant que délégué à la conférence diplomatique de 1864, Jean-Jacques Bourcart, homme d'affaires alsacien ainsi que Max Gracia qui a aidé Dunant dans sa correspondance avec ses créanciers. Léonie Kastner-Boursault, veuve du compositeur Jean-Georges Kastner aide aussi Dunant à plusieurs reprises dans des situations difficiles. Ainsi, elle le charge de la commercialisation du pyrophone, un instrument de musique inventé par son fils Frédéric Kastner. Même si Dunant n'y parvient pas, cette activité et un long voyage en Italie avec Kastner-Boursault de 1875 jusqu'au début des années 1880 le préservent d'une vie dans la complète pauvreté. À Stuttgart, il fait la connaissance en 1877 de l'étudiant Rudolf Müller avec qui il devient ami.
En 1881, il se rend pour la première fois en compagnie d'amis de Stuttgart au Biedermeierdorf situé au-dessus de la ville de Heiden dans le canton d'Appenzell Rhodes-Extérieures. À partir de 1887, alors qu'il vit à Londres, il reçoit une petite aide financière mensuelle de ses partisans. Puisque celui-ci possède un style de vie certes modeste mais sans tomber dans la pauvreté, il parvient à s'installer définitivement en juillet de la même année dans l'hôtel Paradies de la famille Stähelin situé à Heiden. Après que cette famille a vendu la pension quelques années plus tard, il se rend dans la commune voisine de Trogen et vit à partir de la fin 1890 dans l'hôtel Lindenbühl sans toutefois se sentir à son aise. Après plus d'une année, il retourne à Heiden et vit à partir du 30 avril 1892 dans l'hôpital de la ville qui est dirigé par le docteur Hermann Altherr. Il se retire alors complètement au cours des années suivantes et laisse de plus en plus la place, au soir de sa vie, à des pensées mystiques et des visions prophétiques. Parmi les raisons du choix de Dunant porté sur Heiden figurent, aux côtés de la perspective de l'isolement et de la renommée de cette ville comme lieu de repos et de traitement, la vue sur le lac de Constance qui lui rappelle sa ville natale et le lac Léman qu'il aime se remémorer durant ses promenades. Peu après son arrivée, il se lie d'amitié avec le jeune enseignant Wilhelm Sonderegger et son épouse Susanna.
Sous la pression de Sonderegger, il débute la rédaction de ses mémoires. Susanna lui suggère alors la fondation d'une section de la Croix-Rouge à Heiden, une idée qui enthousiasme Dunant. En 1890, il devient président d'honneur de la section fondée le 27 février de la même année. Il fonde de grands espoirs en l'amitié avec les Sonderegger en ce qui concerne la propagation de ses idées, en particulier sous la forme d'une nouvelle édition de son livre. Toutefois, cette amitié souffre plus tard fortement d'accusations non justifiées de Dunant selon lesquelles Sonderegger ferait cause commune avec Moynier resté à Genève. Le décès prématuré de Sonderegger en 1904, à l'âge de 42 ans, pèse sur Dunant malgré les tensions profondes existant entre les deux hommes. L'admiration de Sonderegger pour Dunant, restée intacte malgré les reproches de ce dernier, s'est tard transmise à son fils Hans Konrad Sonderegger et à son petit-fils René qui publiera en 1935 des lettres de Dunant héritée de son père.
En septembre 1895, Georg Baumberger, rédacteur en chef du journal Die Ostschweiz de Saint-Gall, écrit un article sur le fondateur de la Croix-Rouge avec lequel il s'entretient en venant par hasard à Heiden en août de la même année. Cet article intitulé Henri Dunant, le fondateur de la Croix-Rouge paraît dans la revue allemande Sur terre et mer qui est diffusée en peu de jours dans toute l'Europe. On se souvient alors de lui et il reçoit des messages de sympathie et de soutien du monde entier. Il apparaît à nouveau dans la conscience d'un large public en tant que fondateur du mouvement de la Croix-Rouge même si le comité international de Genève évite encore tout contact avec lui. Dunant reçoit notamment le prix Binet-Fendt remis par le Conseil fédéral et la reconnaissance du pape Léon XIII pour son dévouement personnel. Grâce à une pension annuelle envoyée par la tsarine russe Maria Fedorovna et d'autres versements, sa situation financière s'améliore rapidement.
En 1897, Rudolf Müller, devenu professeur de l'enseignement secondaire à Stuttgart, publie chez les éditions Greiner & Pfeiffer L'histoire de la naissance de la Croix-Rouge et de la convention de Genève où le rôle de Dunant en tant que fondateur est souligné pour la première fois depuis son retrait du comité international. Le livre contient aussi la nouvelle édition germanophone et raccourcie d'Un souvenir de Solférino. Dunant lui-même entretient à cette époque un échange de correspondance avec la pacifiste autrichienne Bertha von Suttner à la suite de la visite de cette dernière à Heiden.
Il écrit également de nombreux articles dans une revue publiée par celle-ci, À bas les armes !, dont un essai sous le titre À la presse. En outre, il publie aussi des extraits de manuscrits non publiés sous le titre Petit arsenal contre le militarisme ou Petit arsenal contre la guerre. Impressionné par l'action de Suttner et Florence Nightingale, il en arrive à la conviction que les femmes pourraient jouer un rôle bien plus important dans la réalisation d'une paix durable que les hommes. Il voit à cet égard la défense de l'intérêt personnel, le militarisme et la brutalité comme des principes typiquement masculins alors qu'il attribue aux femmes l'amour du prochain, l'empathie et l'aspiration à la résolution des conflits. En se fondant sur cette constatation, il soutient fortement l'égalité des droits pour les femmes.
En 1897, il suggère la fondation d'une fédération d'infirmières internationale sous le nom de Croix verte. En février 1899, avant la première conférence de La Haye, il publie un essai dans la Revue allemande, sous le titre Proposition à sa majesté de l'empereur Nicolas II, qui constitue sa dernière tentative de prendre part au débat public de l'époque en faveur des efforts de paix.
En 1901, Dunant reçoit le premier prix Nobel de la paix pour la fondation de la Croix-Rouge internationale et l'initiation de la première convention de Genève. Dans un télégramme qu'il reçoit le 10 décembre, le comité Nobel basé à Oslo lui communique ainsi sa décision :
« À Henry Dunant, Heiden. Le comité Nobel du parlement norvégien a l'honneur de vous communiquer qu'il vous remet le prix Nobel de la paix 1901 à vous, Henry Dunant, et à Frédéric Passy. Le comité vous envoie ses respects et ses bons voeux. »
Pour défendre ses opinions, Dunant avait agi auprès du comité Nobel au travers du médecin militaire norvégien Hans Daae à qui Rudolf Müller avait expédié une copie de son livre. Avec Dunant, c'est le pacifiste français Frédéric Passy, fondateur de la première Ligue internationale de la paix à Paris (1867) et membre avec lui de l'Alliance pour l'ordre et la civilisation, qui est distingué. Les félicitations, qui lui sont communiquées officiellement à l'occasion de l'attribution du prix, signifient pour lui une réhabilitation tardive, 34 ans après les faits, et la reconnaissance de ses actions pour la naissance de la Croix-Rouge, geste plus important encore pour lui que tous les autres prix, distinctions, honneurs et paroles de sympathie précédents. Pour le mouvement de la Croix-Rouge, le prix signifie une reconnaissance importante de son travail et de l'importance de la convention de Genève dans une atmosphère de risque de guerre en augmentation constante en raison d'une intensification des tensions internationales ainsi qu'un armement militaire croissant.
Moynier, ainsi que le comité international, étaient également en lice pour le prix. Même si Dunant fut proposé par une large palette de partisans dont trois professeurs de Bruxelles, sept professeurs d'Amsterdam, 92 parlementaires suédois, 64 parlementaires du Wurtemberg, deux ministres norvégiens ainsi que le Bureau international permanent de la paix , sa nomination ne fut pas contestée pour le prix. On restait toutefois divisé sur l'effet de la Croix-Rouge et de la convention de Genève sur un conflit : ne rendent-ils la guerre plus attirante parce qu'ils supportent une partie de la peine liée à celle-ci ? Dans ce contexte, Rudolf Müller se prononce en faveur de l'attribution du prix à Dunant dans une longue lettre au comité Nobel et soumet la proposition de partager le prix entre Frédéric Passy, prévu à l'origine comme unique récipiendaire, et Dunant. Puisqu'une remise du prix à Dunant devait être examinée quelques années plus tard, il mit en avant son état de santé ainsi que son âge avancé.
La remise commune du prix à Passy et Dunant est aussi intéressante en raison des différences qui existent alors entre le mouvement pour la paix et le mouvement de la Croix-Rouge. Avec la décision de diviser le premier prix Nobel de la paix entre Passy, un pacifiste traditionnel et le représentant le plus connu du mouvement pour la paix à l'époque, et l'humaniste Dunant, le comité Nobel crée deux catégories essentielles sur lesquelles il s'appuiera pour les remises ultérieures du prix. D'un côté se trouvent les hommes puis plus tard les organisations qui se consacrent à la paix et correspondent ainsi à la partie du testament d'Alfred Nobel qui prévoit le prix pour celui qui « la plupart du temps ou le mieux possible [a agi] pour la suppression ou la diminution des armées ainsi que pour la formation et la diffusion de congrès de la paix... » D'autre part, dans la tradition de l'attribution du prix à Dunant, le prix sera remis dans le futur pour couronner les actions dans le secteur humanitaire. Cela suit une argumentation selon laquelle les actions humanitaires sont finalement aussi considérées comme pacifiques et correspondent ainsi à la partie du testament de Nobel qui prévoit le prix pour celui qui « la plupart du temps ou le mieux possible [a agi] pour la fraternité des peuples... »
Quant à Hans Daae, il a réussi à placer une partie de l'argent du prix, d'un montant de 104 000 francs suisses dans une banque norvégienne, le protégeant ainsi avant des créanciers de Dunant. Dunant lui-même n'a pas touché l'argent durant le reste de sa vie.
À côté de quelques autres honneurs qui lui sont accordés dans les années qui suivent, il est fait docteur honoris causa de la faculté de médecine de l'Université de Heidelberg en 1903 en même temps que Gustave Moynier. Il passe les dernières années de sa vie à l'hôpital de Heiden où il tombe dans la dépression et la crainte d'être poursuivi par ses créanciers et son adversaire Moynier. Bien qu'il se voit encore lié à la foi chrétienne, il s'éloigne aussi bien du calvinisme que d'autres formes de religion organisée et dédaigne toute institution religieuse durant ses dernières années. Selon les indications fournies par les infirmières s'occupant de lui, son dernier acte est l'envoi d'une version de son livre éditée par Rudolf Müller avec un mot personnel à la reine d'Italie. Il s'éteint dans la soirée du 30 octobre 1910 aux environs de 22h00 et survécut ainsi près de deux mois à Moynier. Malgré les félicitations du comité de la Croix-Rouge adressées à Dunant à l'occasion de la remise du prix Nobel, aucune amélioration ne survint dans leurs relations.
Ses derniers mots adressés au docteur Altherr furent : « Ah, que ça devient noir ! » Dans une lettre adressée à Wilhelm Sonderegger, il formule son souhait quant aux circonstances de son inhumation :
« Je souhaite être porté en terre comme un chien le serait, sans une seule de vos cérémonies que je ne reconnais pas. Je compte sûrement sur votre bonté pour veiller sur mon dernier désir terrestre. Je compte sur votre amitié pour qu'il en soit ainsi. Je suis un jeune disciple du Christ comme au premier siècle, c'est-à-dire rien. »
Il est donc inhumé trois jours plus tard dans la discrétion et sans célébration au cimetière Sihlfeld de Zurich. Parmi les personnes présentes figurent, aux côtés de Hermann Altherr et Rudolf Müller, quelques envoyés de diverses associations de la Croix-Rouge en provenance de Suisse et d'Allemagne ainsi que ses neveux arrivés de Genève. Avec la fortune modeste qu'il a accumulée au moment de son décès au travers de l'argent du prix Nobel et de nombreuses donations, il offre dans son testament rédigé les 2 mai et 27 juillet 1910 un lit libre dans l'hôpital de Heiden pour les patients figurant parmi les citoyens démunis de la ville. En outre, il fait parvenir à ses amis les plus proches, dont Müller, Altherr et sa femme ainsi que les collaborateurs de l'hôpital, de petites sommes d'argent en remerciement. Il offre ce qui lui reste à des organisations d'utilité publique en Norvège et en Suisse et transfère à son exécuteur testamentaire le pouvoir de décider du choix des récipiendaires. Le fait qu'un règlement complet du poids de ses dettes ne fut pas possible avait fortement pesé sur lui à la fin de sa vie. Tous les livres, notes, lettres et autres documents en sa possession ainsi que ses distinctions seront remis à son neveu Maurice Dunant qui vit à Genève. À des fins de recherche, la correspondance échangée avec Rudolf Müller est rendue publique en 1975.
La position exacte de la tombe d'Henri Dunant n'est pas renseignée.
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Dans une lettre adressée à Wilhelm Sonderegger, il formule son souhait quant à son inhumation : « Je souhaite être porté en terre comme un chien le serait, sans une seule de vos cérémonies que je ne reconnais pas. Je compte sûrement sur votre bonté pour veiller sur mon dernier désir terrestre. Je compte sur votre amitié pour qu'il en soit ainsi. Je suis un jeune disciple du Christ comme au premier siècle, c'est-à-dire rien. »
Il est donc inhumé trois jours plus tard dans la discrétion et sans célébration au cimetière Sihlfeld de Zurich. Parmi les personnes présentes figurent, aux côtés de Hermann Altherr et Rudolf Müller, quelques envoyés de diverses associations de la Croix-Rouge en provenance de Suisse et d'Allemagne ainsi que ses neveux arrivés de Genève. Le prix Nobel et de nombreuses donations lui ayant laissé un petit patrimoine, il offre par dans testament, rédigé les 2 mai et 27 juillet 1910, un lit libre dans l'hôpital de Heiden pour les patients les plus démunis de la ville. En outre, il fait parvenir à ses amis les plus proches, dont Müller, Altherr et sa femme ainsi que les collaborateurs de l'hôpital, de petites sommes d'argent en remerciement. Il offre ce qui reste à des organisations d'utilité publique en Norvège et en Suisse et transfère à son exécuteur testamentaire le pouvoir de décider du choix des récipiendaires. Tous les livres, notes, lettres et autres documents en sa possession ainsi que ses distinctions sont remis à son neveu Maurice Dunant qui vit à Genève. À des fins de recherche, la correspondance échangée avec Rudolf Müller est rendue publique en 1975.
La tombe d'Henri Dunant est au Cimetière Sihlfeld, Aemtlerstrasse 151, 8003 Zurich, Suisse .
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Henri Dunant devait être un homme simple et bon, ce dont témoignent ses actions. Il mérite donc largement le paradis !
comme fondateur de la Croix-Rouge il mérite à mon avis le paradis.