Artiste, Écrivaine, Romancière (Art, Littérature).
Anglaise, née le 16 décembre 1775 et morte le 18 juillet 1817
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Jane Austen (16 décembre 1775, Steventon, Hampshire - 18 juillet 1817, Winchester) est une femme de lettres anglaise.
Steventon, dans le Hampshire, Jane Austen est l'avant-dernière et deuxième fille d'une fratrie de huit enfants. Son père, George Austen, est pasteur ; sa mère, Cassandra Austen née Leigh, compte parmi ses ancêtres sir Thomas Leigh qui fut lord-maire au temps de la reine Elisabeth. Les revenus de la famille Austen sont modestes mais confortables ; leur maison de deux étages et un grenier, le Rectory, est entourée d'arbres, d'herbes ainsi que d'une grange.
Toute sa vie, Jane Austen demeure au sein d'une cellule familiale étroitement unie, appartenant à la petite gentry anglaise. Elle doit son éducation en grande partie à son père et à ses frères aînés, ainsi qu'à ses propres lectures. Le soutien sans faille de sa famille est essentiel pour son évolution en tant qu'écrivain professionnel. L'apprentissage artistique de Jane Austen s'étend du début de son adolescence jusqu'à sa vingt-cinquième année environ. Durant cette période, elle s'essaie à différentes formes littéraires, y compris le roman épistolaire qu'elle expérimente avant de l'abandonner, et écrit et retravaille profondément trois romans majeurs, tout en en commençant un quatrième.
De 1811 à 1816, avec la parution de Sense and Sensibility (publié de façon anonyme en 1811), Pride and Prejudice (1813), Mansfield Park (1814) et Emma (1816), elle connaît le succès. Deux autres romans, Northanger Abbey (achevé en fait dès 1803) et Persuasion, font tous deux l'objet d'une publication posthume en 1818 ; en janvier 1817, elle commence son dernier roman, finalement intitulé Sanditon, qu'elle ne peut achever avant sa mort.
L'oeuvre de Jane Austen est, entre autres, une critique des romans sentimentaux de la seconde moitié du XVIIIe siècle et appartient à la transition qui conduit au réalisme littéraire du XIXe. Les intrigues de Jane Austen, bien qu'essentiellement de nature comique, c'est-à-dire avec un dénouement heureux, mettent en lumière la dépendance des femmes à l'égard du mariage pour obtenir statut social et sécurité économique. Comme Samuel Johnson, l'une de ses influences majeures, elle s'intéresse particulièrement aux questions morales.
Du fait de l'anonymat qu'elle cherche à préserver, sa réputation est modeste de son vivant, avec quelques critiques favorables. Au XIXe siècle, ses romans ne sont admirés que par l'élite littéraire. Cependant, la parution en 1869 de A Memoir of Jane Austen (Souvenir de Jane Austen), écrit par son neveu, la fait connaître d'un public plus large. On découvre alors une personnalité attirante, et, du coup, l'intérêt populaire pour ses oeuvres prend son essor. Dans les années 1940, Jane Austen était largement reconnue sur le plan académique comme « grand écrivain anglais ». Durant la seconde moitié du XXe siècle, se multiplient les recherches sur ses romans, qui sont analysés sous divers aspects, par exemple artistique, idéologique ou historique. Peu à peu, la culture populaire s'empare de Jane Austen et les adaptations cinématographiques ou télévisuelles qui sont réalisées sur sa vie ou ses romans connaissent un réel succès.
Il est généralement admis que l'oeuvre de Jane Austen appartient non seulement au patrimoine littéraire de la Grande-Bretagne et des pays anglophones, mais aussi à la littérature mondiale. Elle fait aujourd'hui l'objet d'un culte, cependant de nature différente de celui qui est rendu aux Brontë.
Selon l'un de ses biographes, les informations sur la vie de Jane Austen sont « d'une rareté notoire » (famously scarce). Il ne reste que quelques lettres d'ordre personnel ou familial (selon une estimation, 160 lettres sur un total de 3 000). Sa soeur Cassandra, à qui la plupart étaient adressées, en a brûlé beaucoup et a censuré celles qu'elle a gardées. D'autres ont été détruites par les héritiers de son frère, l'amiral Francis Austen.
Les éléments biographiques, rendus disponibles dans les cinquante années suivant sa mort, émanent presque tous de ses proches. C'est tout d'abord la Biographical Notice of the Author, « notice biographique sur l'auteur » écrite par son frère Henry en préface de la publication de Northanger Abbey et de Persuasion en 1818, qui reste la seule biographie disponible sur elle pendant plus de cinquante ans ; c'est ensuite A Memoir of Jane Austen (« Souvenir de Jane Austen »), ouvrage essentiel de son neveu James Edward Austen-Leigh, dont la première édition est datée de 1870, et qui demeure l'ouvrage de référence sur la vie de Jane Austen pendant plus d'un demi-siècle. C'est dans cette biographie qu'apparaît la vue d'artiste (tirée du portrait fait par Cassandra, la soeur de Jane) dont sont dérivées les différentes gravures utilisées comme portrait de la romancière.
Ces deux sources reflètent la tendance familiale à accentuer l'aspect de « tante Jane, si bonne et si gentille » (« good quiet Aunt Jane »). Depuis, bien peu de documents nouveaux ont été mis au jour par les chercheurs.
Le père de Jane Austen, William George Austen (1731-1805), et sa femme, Cassandra (1739-1827), appartiennent tous les deux à la petite gentry. George descend d'une famille de tisserands en laine, peu à peu parvenus au statut de la petite gentry terrienne. Sa femme Cassandra Austen, née Leigh, compte parmi ses ancêtres Sir Thomas Leigh, Lord-Maire au temps de la reine Elisabeth. De 1765 à 1801, soit pendant une grande partie de la vie de Jane, George Austen est recteur de la paroisse anglicane de Steventon, ainsi que d'un village voisin, situé, lui aussi, dans le Hampshire. De 1773 à 1796, il arrondit ses revenus par des activités annexes, celles de fermier, et aussi de précepteur de trois ou quatre garçons, en pension chez lui. La famille habite une maison de deux étages et un grenier, le Rectory (« le presbytère »), entourée d'une grange, d'arbres et de prés.
La proche famille de Jane Austen est nombreuse, six frères, James (1765-1819), George (1766-1838), Edward (1767-1852), Henry Thomas (1771-1850), Francis William (Frank) (1774-1865), Charles John (1779-1852), et une soeur, Cassandra Elizabeth (1773-1845), qui, comme Jane Austen, meurt sans s'être mariée. Cassandra Elizabeth est l'amie la plus proche et la confidente de Jane tout au long de sa vie. Parmi ses frères, c'est de Henry qu'elle se sent le plus proche. D'abord banquier, il devient, après sa faillite, clergyman de l'église anglicane. C'est lui qui sert d'agent littéraire à sa soeur. Parmi son vaste cercle londonien, se trouvent des banquiers, des marchands, des éditeurs, des peintres et des acteurs. Ainsi, grâce à son entregent, Jane a l'occasion de fréquenter une catégorie sociale normalement inaccessible à une personne isolée dans une petite paroisse rurale du fond du Hampshire.
George, quant à lui, est très jeune confié à une famille locale, car, comme le rapporte Deirdre Le Faye, biographe de Jane Austen, il est « mentalement anormal et sujet à des crises ». Il se peut aussi qu'il ait été sourd et muet.
Charles et Frank, eux, servent dans la marine, où ils s'élèvent au grade d'amiral. Edward est adopté par un cousin, Thomas Knight, et, à ce titre, hérite de son domaine, dont il reprend le nom en 1812.
Jane Austen naît le 16 décembre 1775, au presbytère de Steventon, et est baptisée le 5 avril 1776. Après quelques mois, sa mère la place chez une voisine, Elizabeth Littlewood, qui est sa nourrice pendant un an ou un an et demi. En 1783, selon la tradition familiale, Jane et Cassandra sont envoyées à Oxford pour y être éduquées par Mrs Ann Cawley qu'elles suivent à Southampton un peu plus tard cette même année. Les deux soeurs contractent le typhus qui manque d'emporter Jane. Elles sont ensuite élevées chez leurs parents jusqu'à leur départ en pension, au début de l'année 1785. L'enseignement dans cet établissement comprend vraisemblablement le français, l'orthographe, les travaux de couture et de broderie, la danse, la musique, et peut-être le théâtre. Mais dès décembre 1786, Jane et Cassandra sont de retour chez elles, car leurs parents ne peuvent plus financer leur pension. L'éducation de Jane est alors complétée à domicile par la lecture, orientée par son père et ses frères James et Henry.
Il semble que George Austen donne à ses filles un accès sans restriction à l'ensemble de sa bibliothèque, à la fois importante (près de 500 ouvrages) et variée (essentiellement littérature et histoire), tolère certaines tentatives littéraires parfois osées de Jane (risqué, selon le terme anglais), et fournit à ses filles le papier et le matériel coûteux dont elles ont besoin pour leurs écrits et leurs dessins. Selon Park Honan, biographe de Jane Austen, la vie au foyer des Austen baigne dans une « atmosphère intellectuelle ouverte, amusée et facile », où les idées sociales et politiques autres que les leurs sont prises en compte et discutées. Ainsi, après son retour du pensionnat en 1786, Jane Austen « ne vit plus jamais en dehors de son environnement familial immédiat ».
Les représentations théâtrales privées faisant aussi partie de l'éducation, de sept ans à ses treize ans, Jane participe à une série de pièces que montent sa famille et les amis proches. Ainsi, on joue The Rivals de Richard Sheridan, créée en 1775, et Bon Ton de David Garrick. Si les détails restent inconnus, il est quasi certain que Jane est partie prenante, d'abord comme spectatrice, puis, alors qu'elle grandit, de façon plus active. La plupart de ces pièces sont des comédies, ce qui contribue au développement de son sens comique et satirique. La cousine « française » de Jane Austen, Eliza de Feuillide, participe avec brio à certaines de ces pièces, dont elle tient alors le rôle principal. Plus tard, dans Mansfield Park, Jane Austen donne à la partie dite « theatricals » une importance allant bien au-delà du simple divertissement.
Selon toute vraisemblance, Jane Austen commence dès 1787 à écrire des poèmes, des histoires et des pièces pour son propre amusement et celui de sa famille. Plus tard, elle fait des fair copies (« transcriptions au propre ») de 27 de ces oeuvres précoces, en trois carnets reliés, aujourd'hui connus sous le nom de Juvenilia et contenant des écrits échelonnés de 1787 à 1793. Certains manuscrits révèlent que Jane Austen a continué à y travailler jusque vers 1809-1810, et que son neveu et sa nièce, James Edward et Anna Austen, y ont ajouté jusqu'en 1814.
Parmi ces écrits, se trouve un roman épistolaire satirique, Love and Freindship [sic], dans lequel elle se moque des romans sentimentaux à la mode (novels of sensibility). Y figure également L'Histoire de l'Angleterre, manuscrit de trente-quatre pages accompagné de treize aquarelles miniatures réalisées par Cassandra. Il s'agit une parodie d'écrits historiques en vogue, et tout particulièrement, de l'Histoire d'Angleterre d'Oliver Goldsmith, publiée en 1771. Par exemple, Jane Austen y écrit :
« As I am myself partial to the roman catholic religion, it is with infinite regret that I am obliged to blame the Behaviour of any Member of it: yet Truth being I think very excusable in an Historian, I am necessitated to say that in this reign the roman Catholics of England did not behave like Gentlemen to the protestants. »
« Comme j'ai moi-même un faible pour la religion catholique, c'est avec un infini regret que je suis dans l'obligation de blâmer la Conduite de quiconque de ses Membres : cependant, la Vérité étant je pense bien excusable chez un Historien, je me vois contrainte de dire que durant ce règne, les Catholiques d'Angleterre ne se sont pas comportés en Gentlemen à l'égard des protestants. »
Selon le spécialiste Richard Jenkyns, les Juvenilia de Jane Austen sont anarchiques et regorgent de turbulente gaieté ; il les compare à l'oeuvre du romancier du XVIIIe siècle, Laurence Sterne, et aux Monty Python du XXe siècle.
Devenue adulte, Jane Austen continue à vivre chez ses parents, se consacrant aux activités habituelles d'une femme de son âge et de son statut social : elle joue du piano-forte, aide sa soeur et sa mère à diriger les domestiques, assiste les femmes de la famille lorsqu'elles accouchent et les parents âgés sur leur lit de mort. Elle envoie quelques courts écrits à ses nièces Fanny Catherine et Jane Anna qui viennent de naître. Elle se montre particulièrement fière de ses talents de couturière.
Jane Austen fréquente l'église régulièrement, rend visite à ses amies et à ses voisins et lit des romans, souvent écrits par elle-même, le soir à haute voix et en famille. Les relations entre voisins conduisent souvent à danser, de façon improvisée lors d'une visite, après le souper, ou lors de bals organisés dans les salles de réunion de l'hôtel de ville. D'après son frère Henry, « Jane adorait danser, et d'ailleurs y excellait ».
En 1793, Jane Austen commence, puis délaisse une courte pièce de théâtre, plus tard intitulée Sir Charles Grandison, ou l'Homme heureux, qu'elle termine vers 1800. Il s'agit d'une parodie de quelques résumés à usage scolaire, de son roman favori, L'Histoire de Sir Charles Grandison (1753), de Samuel Richardson. Peu de temps après Love and Freindship [sic] en 1789, Jane Austen prend, selon Honan, la décision « d'écrire pour gagner de l'argent, et de se consacrer à raconter des histoires », en d'autres termes, de devenir écrivain professionnel. Il est avéré qu'à partir de 1793, elle entreprend en effet des oeuvres plus longues et plus complexes.
Entre 1793 et 1795, Jane Austen écrit Lady Susan, court roman épistolaire, généralement considéré comme son ouvrage de jeunesse le plus ambitieux. Lady Susan ne ressemble à aucun de ses autres ouvrages. Claire Tomalin voit en son héroïne une prédatrice sexuelle qui use de son intelligence et de son charme pour manipuler, trahir et tromper ses victimes, amants, amis ou proches. Elle écrit :
« Raconté sous forme épistolaire, c'est là une histoire aussi bien ourdie qu'une pièce de théâtre, et d'un cynisme de ton qui égale les comédies les plus scandaleuses de la Restauration, qui ont peut-être été l'une des sources de son inspiration ... [Ce court roman] occupe une place unique dans l'oeuvre de Jane Austen en tant qu'étude d'une femme adulte dont l'intelligence et la force de caractère sont supérieures à celles de tous ceux dont elle croise la route. »
Après avoir achevé Lady Susan, Jane Austen s'essaye à son premier roman, Elinor and Marianne. Sa soeur Cassandra se rappelle plus tard qu'il fut lu à la famille « avant 1796 », et se présentait sous la forme d'une série de lettres. En l'absence des manuscrits originaux, il est impossible de dire dans quelle mesure le brouillon original a survécu dans le roman publié en 1811 sous le titre de Sense and Sensibility.
Quand Jane Austen atteint l'âge de vingt ans, Thomas Langlois Lefroy, le neveu d'une famille voisine, vient à Steventon où il reste de décembre 1795 à janvier 1796. Fraîchement diplômé de l'université, il s'apprête à déménager à Londres pour s'y former au métier d'avocat (barrister). Tom Lefroy et Jane Austen sont sans doute présentés l'un à l'autre lors d'une rencontre entre voisins ou au cours d'un bal. Les lettres de Jane à Cassandra témoignent que les jeunes gens passent beaucoup de temps ensemble :
« J'ai presque peur de te raconter comment mon ami irlandais et moi nous sommes comportés. Imagine-toi tout ce qu'il y a de plus dissolu et de plus choquant dans notre façon de danser et de nous asseoir ensemble. »
La famille Lefroy intervient et écarte Tom à la fin de janvier. Le mariage n'est pas envisageable, Tom et Jane le savent bien : ni l'un ni l'autre ne sont fortunés et lui, dépend d'un grand-oncle irlandais pour financer ses études et s'établir dans sa profession. Tom Lefroy revient plus tard dans le Hampshire, mais il y est soigneusement tenu à l'écart des Austen et Jane ne le revoit plus jamais.
En 1796, Jane Austen commence un second roman, First Impressions, le futur Pride and Prejudice, dont elle termine le premier jet en août 1797, alors qu'elle n'a que 21 ans. Comme toujours, elle lit le manuscrit en préparation à haute voix et, très vite, l'ouvrage devient la coqueluche de la famille (« an established favorite »). Son père entreprend alors des démarches en vue d'une première publication. En novembre 1797, George Austen écrit à Thomas Cadell, éditeur londonien de renom, pour lui demander s'il serait disposé, le cas échéant, à publier « un Roman Manuscrit, comprenant trois volumes, à peu près de la longueur de Evelina, de Miss Burney [il s'agit de First Impressions] », le risque financier étant endossé par l'auteur. Cadell renvoie rapidement la lettre avec la mention : « Refusé par retour du courrier » (« Declined by Return of Post »). Il se peut que Jane Austen n'ait pas eu connaissance de cette initiative paternelle. Quoi qu'il en soit, après avoir terminé First Impression, elle retourne à Elinor and Marianne, et, de novembre 1797 jusqu'à mi 1798, elle le retravaille en profondeur, renonçant au format épistolaire en faveur d'un récit à la troisième personne, d'une facture proche de Sense and Sensibility.
Vers le milieu de 1798, après avoir achevé la réécriture de Elinor and Marianne, Jane Austen commence un troisième roman provisoirement intitulé Susan. C'est le futur Northanger Abbey, une satire des romans gothiques qui font rage depuis 1764 et ont encore une belle carrière devant eux. L'oeuvre est terminée environ un an plus tard. Au début de 1803, Henry Austen propose Susan à un éditeur londonien, Benjamin Crosby, qui l'achète pour dix livres sterling (£10), promet une publication rapide, annonce que l'ouvrage est « sous presse », et en reste là. Le manuscrit dort chez Crosby jusqu'en 1816, lorsque Jane Austen elle-même lui en reprend les droits.
En décembre 1800, le Révérend George Austen décide sans préavis de quitter son ministère, de partir de Steventon et de déménager avec sa famille à Bath, dans le Somerset. Si cette cessation d'activité et ce voyage furent une bonne chose pour les aînés, Jane Austen est bouleversée à l'idée d'abandonner la seule maison qu'elle ait jamais connue. Pendant son séjour à Bath, elle cesse pratiquement d'écrire, ce qui en dit assez sur son état d'esprit. Elle travaille un peu à Susan, commence puis délaisse un nouveau roman, The Watsons, mais l'activité des années 1795-1799 semble loin. Claire Tomalin avance l'hypothèse que cette stérilité est l'indice d'une profonde dépression. Park Honan, lui, est d'un avis contraire et constate que Jane Austen n'a cessé d'écrire ou de retravailler ses manuscrits pendant toute sa vie active, à la seule exception des quelques mois ayant suivi le décès de son père. La question reste controversée et Margaret Doody, par exemple, abonde dans le sens de Tomalin.
En décembre 1802, Jane Austen reçoit sa seule proposition de mariage. Elle et sa soeur sont en visite chez Alethea et Catherine Bigg, des amies de longue date qui vivent près de Basingstoke. Leur plus jeune frère, Harris Bigg-Wither, ayant terminé ses études à l'Université d'Oxford, se trouve à la maison et demande la main de Jane, qui accepte. Caroline Austen, la nièce de la romancière, tout comme Reginald Bigg-Wither, un descendant de ce prétendant, le décrivent comme un grand gaillard manquant de séduction. Il est d'aspect quelconque, parle peu, bredouille dès qu'il ouvre la bouche et se fait même agressif dans la conversation. De plus, il s'avère pratiquement dénué de tact. Jane, cependant, le connaît depuis l'enfance et le mariage offre de nombreux avantages tant pour elle-même que pour sa famille. Harris est, en effet, l'héritier de vastes propriétés familiales situées dans la région où les soeurs ont grandi. Ainsi nantie, Jane Austen pourrait assurer à ses parents une vieillesse confortable, donner à Cassandra une maison qui soit à elle, et peut-être, aider ses frères à faire carrière. Le lendemain matin, Jane Austen se rend compte qu'elle a fait une erreur et reprend son consentement. Aucune correspondance, ni aucun journal ne permettent de savoir ce qu'elle a réellement pensé de cette proposition de mariage.
En 1814, Jane Austen écrit à Fanny Knight, l'une de ses nièces (qu'elle considère presque comme une soeur ainsi qu'elle l'écrit à Cassandra), qui lui a demandé conseil à propos de la demande en mariage que lui a adressée Mr John Plumtre :
« Et à présent, ma chère Fanny, après avoir écrit en faveur de ce jeune homme, je vais maintenant te conjurer de ne pas t'engager plus avant, et de ne pas songer à l'accepter à moins qu'il ne te plaise réellement. Tout doit être préféré ou supporté plutôt que de se marier sans affection. »
Le roman commencé à Bath en 1804, The Watsons, concerne un clergyman invalide et sans grandes ressources financières, et quatre jeunes filles non mariées. Sutherland décrit ce roman comme « une étude sur les dures réalités économiques de la vie des femmes financièrement dépendantes ». Park Honan est d'opinion, et Claire Tomalin le suit sur ce point, que Jane Austen a délibérément cessé de travailler à ce livre après la mort de son père, le 21 janvier 1805 : sa propre situation ressemblait trop à celle de ses personnages pour qu'elle n'en ressentît pas un certain malaise.
La maladie, qui devait rapidement emporter le Révérend Austen, est soudaine, le laissant, comme le rapporte Jane à son frère Francis, « complètement inconscient de son propre état ». Jane, Cassandra et leur mère se retrouvent dans une situation difficile. Edward, James, Henry et Francis Austen s'engagent à les soutenir par des versements annuels. Les quatre années qui suivent reflètent cette précarité : les trois femmes sont, la plupart du temps, en location à Bath, puis, à partir de 1806, à Southampton, où elles partagent une maison avec Frank Austen et sa jeune épouse, et les visites à d'autres branches de la famille se multiplient.
Le 5 avril 1809, environ trois mois avant le déménagement à Chawton, Jane Austen écrit à Richard Crosby pour lui exprimer sa colère il n'a toujours pas publié Susan et lui propose une nouvelle version, si nécessaire, pour une parution immédiate. Crosby répond qu'il ne s'est engagé à aucune échéance, ni même à une publication, mais que Jane Austen peut lui racheter les droits pour les dix livres qu'il avait payées, et se trouver un autre éditeur. Jane Austen, cependant, n'ayant pas les moyens d'effectuer cette transaction, ne peut recouvrer son manuscrit.
Vers le début de l'année 1809, Edward, l'un des frères de Jane Austen, offre à sa mère et à ses soeurs une vie plus stable en mettant à leur disposition un grand cottage dans le village de Chawton. Cette demeure fait partie de son domaine, Chawton House. Jane, Cassandra et leur mère y emménagent le 7 juillet 1809. À Chawton, la vie devient plus calme qu'elle ne l'a été depuis l'arrivée à Bath en 1800. Les Austen ne fréquentent pas la gentry avoisinante et ne reçoivent que lors de visites familiales. Anna, nièce de Jane, raconte leur quotidien : « C'était une vie très calme, de notre point de vue, mais elles lisaient beaucoup, et en dehors des tâches domestiques, nos tantes s'occupaient à aider les pauvres et à apprendre à lire ou à écrire à tel garçon ou telle fille ». Jane Austen écrit presque tous les jours, mais en privé, et semble avoir été dispensée de certaines contraintes de façon à pouvoir se consacrer davantage à ses manuscrits. Ainsi, dans ce nouvel environnement, elle retrouve l'entière plénitude de ses capacités créatrices.
Pendant son séjour à Chawton, Jane Austen réussit à publier quatre romans, qui reçoivent un accueil plutôt favorable. Par l'entremise de son frère Henry, l'éditeur Thomas Egerton accepte Sense and Sensibility, qui paraît en octobre 1811. La critique est élogieuse et le roman devient à la mode dans les cercles influents ; dès le milieu de 1813, le tirage est épuisé. Le revenu qu'en retire Jane Austen lui permet une certaine indépendance, tant financière que psychologique. En janvier de cette même année, Egerton publie Pride and Prejudice, version retravaillée de First Impressions. Il fait au livre une large publicité, et c'est un succès immédiat, avec trois critiques favorables et de bonnes ventes. Dès octobre, Egerton peut commencer la mise en vente d'une seconde édition. Puis c'est Mansfield Park qui paraît, toujours chez Egerton, en mai 1814. Si la critique ne fait pas grand cas de ce roman, Mansfield Park trouve un écho très favorable auprès du public. Tous les exemplaires sont vendus en à peine six mois, et les gains revenant à Jane Austen dépassent ceux qu'elle a reçus de chacune de ses autres oeuvres.
En novembre 1815, James Stanier Clarke, le bibliothécaire du Prince Régent, invite Jane Austen à Carlton House et lui apprend que le Prince Régent, le futur George IV, admire ses romans et en garde un exemplaire dans chacune de ses résidences ; il lui conseille alors de dédicacer sa prochaine oeuvre, Emma, au Régent. Jane Austen n'aime guère le personnage, mais il lui est difficile de repousser la requête. Elle écrit plus tard un Plan d'un Roman, selon des suggestions de diverses origines, présentant sous une forme satirique les grandes lignes du « roman parfait », d'après les recommandations du bibliothécaire en question.
Au milieu de l'année 1815, Jane Austen quitte Egerton pour la maison John Murray, éditeur londonien plus renommé, qui publie Emma en décembre 1815 et, en février de l'année suivante, sort une deuxième édition de Mansfield Park. Emma se vend bien, mais Mansfield Park rencontrant moins de succès, le bilan financier de cette double opération reste très mitigé. Ce sont là les derniers romans à paraître du vivant de l'auteur.
Jane Austen a déjà commencé à écrire un nouveau livre, The Elliots, qui paraît plus tard sous le titre de Persuasion, dont elle achève la première version en juillet 1816. Peu après la publication de Emma, Henry Austen rachète à Crosby les droits de Susan. Jane, cependant, se voit contrainte de repousser la mise sous presse de ces deux livres par suite des difficultés financières que traverse sa famille. La banque de Henry fait faillite en mars 1816, ce qui entraîne la perte de tous ses biens, le laisse lourdement endetté et lèse également ses frères Edward, James et Frank. Désormais, Henry et Frank ne peuvent plus allouer à leur mère et leurs soeurs la somme annuelle qu'ils leur versaient.
Tôt dans l'année 1816, la santé de Jane Austen commence à se dégrader. Au début, elle ne tient pas compte de la maladie et continue à travailler et à participer aux activités de la famille. Vers le milieu de l'année, ni elle ni son entourage ne peuvent plus douter de la gravité de son état, qui se détériore peu à peu, avec des poussées et des rémissions. Elle meurt en juillet de l'année suivante. La majorité des biographes s'appuient sur le diagnostic rétrospectif que le Dr Vincent Cope s'est efforcé de porter en 1964, et qui attribue la mort de Jane Austen à la maladie d'Addison, une insuffisance surrénalienne causée à cette époque par la tuberculose. D'autres auteurs ont aussi suggéré que Jane Austen souffrait de la maladie de Hodgkin à la fin de sa vie.
Jane Austen a continué à travailler pratiquement jusqu'à sa fin. Insatisfaite du dénouement de The Elliots, elle réécrit les deux chapitres de conclusion, qu'elle termine le 6 août 1816. En janvier 1817, elle commence un nouveau roman, qu'elle intitule The Brothers (Les Frères), titre qui devient Sanditon lors de sa première parution en 1925. Elle en achève douze chapitres avant d'arrêter la rédaction à la mi-mars 1817, vraisemblablement parce que la maladie l'empêche de poursuivre sa tâche. Jane évoque son état de manière désinvolte auprès de son entourage, parlant de « bile » et de « rhumatisme », mais elle éprouve de plus en plus de difficultés à marcher et peine à se consacrer à ses autres activités. À la mi-avril, elle ne quitte plus son lit. En mai, Henry accompagne Jane et Cassandra à Winchester pour un traitement médical. Jane Austen meurt le 18 juillet 1817, à l'âge de 41 ans. Grâce à ses relations ecclésiastiques, Henry fait en sorte que sa soeur soit enterrée dans l'aile nord de la nef de la cathédrale de Winchester. L'épitaphe composée par James loue ses qualités personnelles, exprime l'espoir de son salut et mentionne les « dons exceptionnels de son esprit » (« the extraordinary endowments of her mind »), sans faire explicitement état de ses réalisations d'écrivain.
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Les meilleures citations de Jane Austen.
Ce n'est pas ce que nous disons ou pensons qui nous définit, mais ce que nous faisons.
La connaissance de soi est le premier pas vers la maturité.
La personne qui n'éprouve pas de plaisir à la lecture d'un bon roman ne peut qu'être d'une bêtise intolérable.
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J'adore orgueil et préjugés et raison et sentiments.cette grane dame de la littérature anglaise est décédée trop jeune...