Philosophe (Philosophie).
Allemand, né le 27 août 1770 et mort le 14 novembre 1831
Enterré (où exactement ?).
Georg Wilhelm Friedrich Hegel, né le 27 août 1770 à Stuttgart et mort le 14 novembre 1831 à Berlin, est un philosophe allemand. Son oeuvre, postérieure à celle de Kant, est l'une des plus représentatives de l'idéalisme allemand et a eu une influence décisive sur l'ensemble de la philosophie contemporaine.
Hegel enseigne la philosophie sous la forme d'un système de tous les savoirs suivant une logique dialectique. Le système est présenté comme une « phénoménologie de l'esprit » puis comme une « encyclopédie des sciences philosophiques », titres de deux de ses ouvrages, et englobe l'ensemble des domaines philosophiques, dont la métaphysique et l'ontologie, la philosophie de l'art et de la religion, la philosophie de la nature, la philosophie de l'histoire, la philosophie morale et politique ou la philosophie du droit.
Georg Wilhelm Friedrich Hegel naît à Stuttgart le 27 août 1770 dans une famille protestante. Son père Georg Ludwig Hegel (1733-1799) est fonctionnaire à la Cour des comptes du duc de Wurtemberg. Sa mère Maria Magdelena Fromm (1741-1783) est issue d'une famille cultivée de juristes et participe à la première formation intellectuelle de son fils avant de mourir prématurément. Sa soeur Christiane enseignera plus tard le français à Stuttgart et sera internée dans un asile psychiatrique. Son jeune frère Ludwig périra en tant que capitaine dans l'armée napoléonienne pendant la campagne de Russie.
Wilhelm fait ses études au Gymnasium de sa ville natale, où il est un écolier modèle. Sa soeur rapporte qu'il savait sa première déclinaison latine dès l'âge de cinq ans et que son précepteur lui offrit une édition des drames de Shakespeare pour ses huit ans. À l'âge de dix ans, son père lui fit apprendre la géométrie et l'astronomie. Les tragédies grecques étaient sa matière favorite. Il s'intéressait également à la botanique et à la physique.
Hegel lui-même se souvient avoir appris à l'âge de onze ans les définitions de Christian Wolff ainsi que les figures et règles du syllogisme, soit les bases de la logique, savoir qui constitue pour Jacques Derrida un argument dans les polémiques concernant l'âge approprié pour un enseignement philosophique.[pertinence contestée]
Sa formation à Stuttgart est inspirée par les principes des Lumières et a pour contenu les textes classiques de l'Antiquité. Hegel éprouve une préférence pour le grec. Il traduit le traité Sur le sublime de Longin, le Manuel d'Epictète et l'Antigone de Sophocle. Il rédige de nombreuses notes de lecture concernant la littérature, l'esthétique, la physiognomonie, les mathématiques, la physique (théorie des couleurs), la psychologie, la pédagogie, la théologie et la philosophie. Il calligraphie très bien le français dans ses notes sur Rousseau.
Hegel se destine à la théologie et entre à l'âge de dix-huit ans au séminaire de Tübingen (appelé Stift) pour entreprendre ses études universitaires. Il étudie la philologie, l'histoire, la philosophie, la physique et les mathématiques. En 1788, il rédige un article Sur les avantages que nous procure la lecture des anciens écrivains grecs et romains classiques. Il obtient sa maîtrise de philosophie en 1790 avec un mémoire sur le problème moral des devoirs, dans lequel il oppose au dualisme kantien l'unité de la raison et de la sensibilité.
Puis, il s'inscrit à la faculté de théologie. Il suit des cours sur l'histoire des apôtres, les psaumes et les Epîtres, sur le philosophe stoïcien Cicéron, sur l'histoire de la philosophie, sur la métaphysique et la théologie naturelle et décide en outre de s'inscrire à des cours d'anatomie. L'essentiel de l'enseignement consiste dans un apprentissage de la dogmatique chrétienne, qui provoque chez Hegel un écoeurement manifeste dans ses écrits postérieurs . Une mauvaise santé le conduit également à retourner assez souvent à Stuttgart pendant cette période.
Hegel fait au séminaire la connaissance du poète Hölderlin et du philosophe Schelling, dont il partage la chambre. Tous trois discutent de Platon, de Kant et de Spinoza. Ils éprouvent une grande passion pour la Grèce antique et s'enthousiasment pour la Révolution française. Ils auraient alors planté un arbre de la liberté dans une prairie proche de Tübingen. Hegel se fait l'orateur des idées de liberté et d'égalité. On lit les journaux français, on chante la Marseillaise, un club politique est fondé au séminaire où étudient des Montbéliardais républicains. Dans l'album de Hegel figurent des inscriptions comme « Vive la liberté !! » ou « Vive Jean-Jacques ! », l'auteur du Contrat social passant alors pour son héros. Hölderlin inscrit un vers de Goethe avec la formule grecque « hen kai pan » (« l'un et le tout ») qui est le symbole du panthéisme.
Hegel est demeuré sa vie durant attaché au souvenir de la Révolution de 1789. Il dira, dans ses cours de Berlin sur la philosophie de l'histoire qu'elle fut un « magnifique lever de soleil » : « tous les êtres pensants ont célébré ensemble cette époque. Une émotion sublime a dominé en ce temps-là, un enthousiasme pour l'esprit a parcouru le monde comme si une réconciliation réelle avec le divin était advenue »[réf. incomplète] . Cependant, s'il était pour 1789, il n'allait pas plus loin et désapprouvait ses conséquences d'après 1791 et de la Terreur ; « il était profondément libéral, sans être le moins du monde républicain », ne séparant pas la liberté de la royauté étant « sincèrement constitutionnel » et que, plus tard, la révolution de 1830 lui semblait « ébranler la base sur laquelle repose la liberté ».
Hegel choisit de devenir non pas pasteur, ce à quoi le disposait sa formation théologique, mais plutôt précepteur. Il a en effet accepté une offre qui lui a été faite pour exercer ce métier venant de Berne à l'été 1793.
Il achève ses études à Tübingen en septembre en présentant un mémoire de théologie neutre sur l'histoire de l'Église du Wurtemberg. De cette année date pourtant un écrit sur la philosophie de la religion de Kant, où Hegel critique aussi bien la position de la dogmatique chrétienne que celle des Lumières, lesquelles "rendent plus intelligent mais non pas meilleur". Le texte appelé Fragment de Tübingen pose la question d'une nouvelle "religion populaire" qui soit en même temps une religion rationnelle.
Hegel occupe une fonction de précepteur en Suisse dans la famille du capitaine Karl Friedrich von Steiger (1754-1841), membre du Conseil souverain de Berne et représentant de l'aristocratie alors au pouvoir dans ce canton. L'hiver, la famille réside en ville (Junkerngasse 51) et l'été à la campagne, à Tschugg, non loin du canton de Vaud. Hegel est chargé de l'éducation de deux garçons de six et de huit ans. Il fait l'expérience de la servitude dans la mesure où sa position est celle d'un valet. Mais il lui reste du temps pour des lectures et des travaux d'autant que la famille Steiger possède une importante bibliothèque.
Hegel étudie les derniers développements que prend la philosophie dans les publications de Kant, Fichte, Schiller et de Schelling. Il en attend une révolution en Allemagne et il écrit en ce sens à Schelling:
« Je crois qu'aucun signe des temps n'est meilleur que celui-ci: c'est que l'humanité est représentée comme si digne d'estime en elle-même ; c'est une preuve que le nimbe qui entourait les têtes des oppresseurs et des dieux de la terre disparaît. Les philosophes démontrent cette dignité, les peuples apprendront à la sentir ; et ils ne se contenteront pas d'exiger leurs droits abaissés dans la poussière, mais ils les reprendront ils se les approprieront. »
Les manuscrits de Hegel rattachés à cette époque témoignent surtout d'une réflexion critique sur la religion chrétienne. L'un des deux a été publié sous le titre La vie de Jésus : Jésus est celui qui enseigne la vertu au sens kantien abstraction faite de tout miracle et de toute résurrection.
En juillet 1796, Hegel entreprend avec d'autres précepteurs de Berne un voyage dans les Alpes bernoises et en fait la relation dans un journal. Il n'est pas ému par le spectacle de la nature sauvage et gigantesque qu'il rencontre si ce n'est par les chutes d'eau. Il oppose à la nature les activités des hommes.
La première publication de Hegel concernera d'ailleurs la situation politique des habitants du pays de Vaud qui se révoltent en 1797 contre la domination du gouvernement de Berne avec l'appui de la France. Hegel traduit et commente en allemand en 1798 sous couvert d'anonymat les Lettres confidentielles sur le rapport juridique du pays de Vaud à la ville de Berne de l'avocat révolutionnaire Jean-Jacques Cart parues à Paris en 1793. (La paternité de cette traduction subversive éditée à l'époque de Francfort ne sera établie qu'en 1909.) La position de Hegel à l'égard de la Révolution française est celle des Girondins et il condamne en ce sens les actions des Robespierristes.
Pendant la période passée en Suisse, il écrit se sentir isolé de ses amis et de la scène littéraire. Il continue néanmoins de correspondre avec Hölderlin et celui-ci lui trouve un emploi de précepteur à Francfort-sur-le-Main en 1796. Avant de rejoindre son ami, Hegel lui adresse un long poème intitulé Eleusis. Il passe la fin de l'année 1796 à Stuttgart.
En 1797, Hegel prend la charge de précepteur à Francfort-sur-le-Main dans la famille du négociant en vin Johann Noë Gogel (sur le Rossmarkt) tandis que Hölderlin exerce la même fonction dans la famille Gontard. Le lien amical avec Hölderlin se renforce ; Hegel participe à son projet de tragédie Sur la mort d'Empédocle et il est tenté lui-même par la poésie. Il est également en relation avec un ami commun, le philosophe poète fichtéen et révolutionnaire Isaac von Sinclair (de).
De cette époque daterait le fragment anonyme connu sous le nom du Plus ancien programme de système de l'idéalisme allemand rédigé par Hegel mais que l'on a attribué également à Schelling, voire à Hölderlin. Un système commun est esquissé qui suppose la disparition de l'État et culmine dans l'idée de la beauté entendu dans un sens platonicien, soit une première formulation du système sous forme esthétique.
Hegel développe une critique de la raison et de la philosophie qui est le ferment de la dialectique. Il semble traverser alors une "crise d'hypocondrie" qui trouve son expression philosophique dans l'impossibilité de retrouver l'harmonie de la "belle totalité grecque" dans la civilisation européenne moderne. La solution sera une "réconciliation avec le temps", soit avec le réel historique.
Hegel rédige en 1798 un ouvrage dédié aux patriotes Sur la situation récente du Wurtemberg, où il défend l'élection des magistrats par le peuple. Il suppose que « l'image de temps meilleurs est parvenue à l'âme des hommes » et que seul l'aveuglement peut laisser croire que puisse subsister des « institutions que l'esprit a abandonnées » [réf. nécessaire]. La tournure des événements politiques en France le dissuade de publier ce livre.
En 1799, Hegel rédige un commentaire (aujourd'hui perdu) des théories économiques de James Denham-Steuart (1712-1780). Pour le marxiste Georg Lukacs, Hegel est celui qui a la conscience la plus juste de son époque [réf. nécessaire]. Son analyse de la société industrielle anglaise lui aurait permis de sortir des idéaux révolutionnaires dans lesquels il se serait égaré et l'aurait conduit sur la voie de la dialectique[réf. incomplète] .
Hegel poursuit sa critique de la religion sur un mode historique dans des textes publiés au début du XIXe siècle sous le titre Le christianisme et son destin, dont les concepts centraux sont la vie et l'amour. Il est question également du judaïsme dans son rapport au christianisme et à l'hellénisme. Selon W. Dilthey, Hegel n'a « rien écrit de plus beau » .
Après la mort de son père, en janvier 1799, Hegel retourne à Stuttgart et dispose d'un héritage qui lui permet l'indépendance. Il décide de devenir privat-dozent (assistant-professeur ) dans une université. Il écrit à Schelling en 1800 que sa formation scientifique l'a conduit à donner à son idéal de jeunesse la forme réflexive d'un système, qu'il se pose désormais la question d'un retour à la vie humaine et se tourne vers lui pour cette raison.
Hegel commence sa carrière universitaire en devenant privatdozent à l'université d'Iéna en 1801. Il soutient son habilitation avec une thèse latine sur Les orbites des planètes (De orbitis planetarum) le 27 août 1801. Cette étude du système solaire doit illustrer la nouvelle physique spéculative (alors défendue par Schelling et Goethe) en rompant avec la mécanique de Newton.
Hegel se fait connaître également en écrivant la Différence entre les systèmes de Fichte et de Schelling, où il défend ce dernier. Assistant de Schelling à l'Université d'Iéna, Hegel suit alors la pensée de son maître, dont il partage le logement. Ils fondent ensemble le Journal critique de philosophie (1802-1803) qui prend fin avec le départ de Schelling pour Würzburg en 1803. Mais l'époque de Iéna est aussi celle d'un tournant : Hegel se sépare progressivement des idées de Schelling, rupture consacrée par la préface de la Phénoménologie de l'esprit en 1807.
Hegel délaisse à cette période la critique de la religion au profit d'une critique de la politique. Il écrit sur la constitution de l'Allemagne à partir du constat que « l'Allemagne n'est plus un Etat ».
Ses cours sont intitulés Logique et métaphysique, Philosophie de la nature et de l'esprit, Le droit naturel, Système général de la philosophie, La science complète de la philosophie ou Mathématique pure. Hegel construit son système et s'efforce de le diviser de façon organique, mais il reporte le moment de sa publication.
En 1805, il devient professeur honoraire mais sans toucher de traitements. Il a épuisé son héritage et connaît une certaine détresse financière. Goethe intervient alors pour qu'il touche un salaire annuel. Une autre source de gêne est la naissance en 1807 d'un fils naturel, Ludwig, que Hegel a conçu avec la femme de son logeur, mais dont il prendra en charge soigneusement l'éducation.
La légende raconte que Hegel aurait achevé son chef-d'oeuvre, la Phénoménologie de l'Esprit, pendant la bataille de Iéna. La veille de la bataille, il écrit à son ami Niethammer (en) son admiration pour Napoléon :
« J'ai vu l'Empereur cette âme du monde sortir de la ville pour aller en reconnaissance ; c'est effectivement une sensation merveilleuse de voir un pareil individu qui, concentré ici sur un point, assis sur un cheval, s'étend sur le monde et le domine. »
Hegel prend donc parti pour les Français contre les Prussiens. La Prusse vaincra finalement les troupes napoléoniennes durant les guerres de libération de 1811-1813, ce que Hegel vivra comme un drame. Kojève, philosophe du XXe siècle dont l'interprétation de Hegel a marqué la philosophie française, considère néanmoins que la bataille d'Iéna marque « la fin de l'Histoire » en termes d'évolution des sociétés humaines vers « l'État universel et homogène». Hegel dit à la fin de ses cours en 1806 :
« Messieurs ! Nous sommes situés dans une époque importante, dans une fermentation, où l'Esprit a fait un bond en avant, a dépassé sa forme concrète antérieure et en acquiert une nouvelle. »
La philosophie de Hegel est une philosophie systématique et encyclopédique qui se développe à partir de l'idée logique. Son déploiement dialectique constitue la réalité et son devenir, et son retour à soi dans la forme de la pensée, la seule qui soit vraiment adéquate à son contenu. Cette dialectique a pu être considérée comme une théologie de l'histoire, mais elle a également donné lieu à de nombreuses interprétations contradictoires du fait de sa difficulté.
Hegel s'est expliqué lui-même sur cette difficulté, par exemple dans l'Introduction à l'Encyclopédie des sciences philosophiques[réf. à confirmer]. Le sens commun ne peut pas trouver dans la philosophie ce qu'il en attend, car la philosophie est en soi un dépassement de ce sens commun et de ses fausses évidences. C'est que la philosophie, comme science, ne se contente pas de classer diverses représentations du réel. Il ne suffit pas non plus que ces représentations renvoient à des déterminations de pensée, comme celles qu'on trouve dans un droit encore non-philosophique, qui définit le contrat, le vol, la propriété, etc. La philosophie doit montrer comment, selon quelle nécessité rationnelle, l'esprit, en se réfléchissant lui-même, se détermine dans une série de moments nécessaires, où il ne s'aliène pas, puisqu'il demeure le mouvement, la vie, le logos, qui les anime et les engendre de l'intérieur. La pensée qui demeure à la certitude du sensible, de même que la philosophie classique d'entendement, peineront donc à comprendre la philosophie absolue.
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