Artiste, Chef d'orchestre, Contrebassiste, Musicien (Art, Musique).
Américain, né le 6 août 1937 et mort le 11 juillet 2014
Enterré (où exactement ?).
Charles Edward « Charlie » Haden (né le 6 août 1937 à Shenandoah dans l'Iowa et mort le 11 juillet 2014) est un contrebassiste américain de jazz, un compositeur et un chef d'orchestre.
Il se fait connaître comme membre du quartette du saxophoniste alto et pionnier du free jazz Ornette Coleman à la fin des années 1950 et au début des années 1960. Quelques années plus tard, il fait partie du premier trio du pianiste Keith Jarrett, et commence à réunir ses propres formations, dont certaines se sont révélées d'une grande longévité. Un jeu caractéristique, une simplicité appuyée, et un son marquant ont fait de lui un créateur de style parmi les contrebassistes du jazz contemporain. Artiste engagé, Charlie Haden est connu pour avoir régulièrement pris position sur divers problèmes de société.
Jean-Louis Comolli résume la personnalité musicale de l'instrumentiste en ces mots : « La basse de Haden mesurée, sobre et sereine trouve le ton juste pour accueillir dans les profondeurs du jazz d'autres révoltes (...) ».
Charlie Haden est originaire du Middle West américain il passe son enfance et son adolescence dans la petite ville de Forsyth (Missouri) , ce qui le marque de manière précoce et durable. Sa famille de musiciens se produit régulièrement sur une antenne dans une émission intitulée : le Haden Family Show. Dans cette émission, le jeune Charlie fait sa première représentation en tant que chanteur à l'âge de 22 mois ! Au milieu du XXe siècle et particulièrement dans les régions « provinciales » des États-Unis, ce début de carrière très précoce n'était pas totalement inhabituel : le contrebassiste Oscar Pettiford, né dans une réserve indienne de l'Oklahoma, a fait ses débuts de façon similaire. La formation familiale des Haden interprète surtout des chansons dans le style « Country & Western », matériau musical que Haden continue d'utiliser jusqu'à l'époque actuelle. À l'âge de 14 ans, il contracte une forme légère de poliomyélite qui endommage de manière irréversible sa gorge et ses cordes vocales. La structure mobile de la formation familiale lui permettra alors de tenter plusieurs expérimentations avec différents instruments comme alternative au chant, mais il ne choisira la contrebasse comme instrument principal qu'à l'âge de 19 ans.
Après un temps passé au conservatoire d'Oberlin (Ohio), Haden déménage en 1957 à Los Angeles en quête d'un enseignement formel de son instrument. À cette période il témoigne déjà d'un intérêt certain pour la musique improvisée contemporaine, ce qui explique le choix de la métropole sud-californienne dont la scène jazz était alors très vivante. Parallèlement à des études instrumentales au Westlake College of Music de Los Angeles, Haden prend des cours particuliers avec Red Mitchell qui est à cette période l'un des contrebassistes solistes les plus renommés de la côte ouest américaine. Scott LaFaro étudiait également à Westlake à la même période, et prenait aussi des cours avec Mitchell ; ils partagèrent un appartement pendant quelques mois. Haden et LaFaro sont considérés, chacun à sa manière, comme deux pionniers de l'émancipation de la contrebasse jazz des années 1960.
Bien qu'encore novice à la contrebasse, c'est sans grande difficulté que Charlie Haden se fait une place sur la scène jazz de Los Angeles. Cette intégration rapide est rendue possible grâce à une expérience professionnelle déjà solide, un sens aigu de la mélodie et une grande assurance rythmique. En quelques mois, il obtient des engagements avec de grands musiciens de jazz de la côte ouest comme Dexter Gordon, Hampton Hawes, ou Art Pepper (Living Legend (1975), Art 'N' Zoot (1981)). Mais ce sont les jam sessions du dimanche au Hillcrest Club qui se révèleront particulièrement importantes pour l'avenir de Haden, car il y rencontre les membres du futur quartette du saxophoniste Ornette Coleman : le trompettiste Don Cherry et le batteur Billy Higgins. Si ces deux musiciens, comme Haden lui-même, étaient considérés comme des nouveaux-venus ambitieux, la scène californienne était beaucoup plus réservée à l'égard de Coleman, en raison de son jeu peu conventionnel et techniquement peu convaincant. Mais les quatre musiciens répètent régulièrement, et Lester Koenig, le patron de Contemporary Records se laisse convaincre par Red Mitchell de réaliser un enregistrement de Coleman ; cependant on ne retrouve pour ces enregistrements qu'une partie du quartette régulièrement établi (sans Haden). Coleman expliquera l'échec artistique de ces premières productions par l'absence d'un bassiste convenable. Quand le quartette se produit finalement sur la côte est, Coleman parvient à imposer le choix de Haden pour les enregistrements chez Atlantic Records, bien que ce dernier soir alors un inconnu. Les résultats musicaux seront concluants :
« Haden est, dit Leonard Feather, un bassiste participatif plutôt qu'accompagnateur. Il suit les lignes des soufflants indépendamment des points de vue de l'harmonie tonale et leur fournit en jouant de préférence dans les positions graves une base qui permet aux improvisateurs de suivre des lignes d'une grande liberté, mais qui offre en même temps un point d'ancrage et un cadre. Les albums The Shape of Jazz To Come et Change of the Century font partie des productions les plus abouties du quartette. »
Coleman lui-même est très conscient de l'importance de Haden dans la réussite de son concept artistique. Outre la grande liberté qu'il laisse à son contrebassiste, il le place au premier plan sur le morceau The Face of the Bass de l'album Change of the Century déjà mentionné, et ajoute le commentaire suivant sur la pochette :
« It is unusual to come across someone as young as he is and find that he has such a complete grasp of the "modern" bass: melodically independent and non-chordal.
(Il est rare de rencontrer, chez quelqu'un d'aussi jeune, une maîtrise si complète de la basse « moderne » : mélodiquement indépendant et non-tonal »
C'est à cette époque et autour de cette formation « baroque » dite du « double-quartet », que Haden participe à l'enregistrement d'un album jalon au point d'avoir marqué d'un nom le jazz de cette époque : « Free Jazz: a collective improvisation ». Une distribution définitive pour un enregistrement « à dispositif », puisque chaque quartet est enregistré sur un des deux canaux monos, dans le contexte experimental de la généralisation de la stéréo. Haden partage le canal de droite avec Ed Blackwell, Freddie Hubbard et Eric Dolphy. Sur le canal gauche, son homologue et ancien roommate Scott LaFaro tient la basse d'un autre quartet avec Billy Higgins, Don Cherry et Coleman lui-même.
Le quartet qui succède à l'expérience rencontre un succès foudroyant, alors que dans ce milieu et à cette époque, l'usage de drogue se répand. À l'exception de Coleman lui-même, tous les membres du groupe sont en lutte avec des problèmes de drogue, ce qui finit par poser des problèmes de fiabilité face aux engagements professionnels. Jusqu'à sa déliquescence complète en 1961 (année de la mort accidentelle de Scott LaFaro) et 1962. Sous la pression de Coleman entre autres, Charlie Haden suit plusieurs cures de désintoxication, avant d'être contraint de se retirer presque totalement de la scène pendant quelques années. Parvenant à réchapper de son addiction, ce n'est qu'en 1968 qu'il retrouve Ornette Coleman, et se produit avec lui au festival de Monterrey et dans divers clubs en Europe, notamment au sein d'un groupe comportant deux contrebassse, l'autre étant tenue par David Izenzon.
Après être venu à bout de de son addiction à l'héroïne, Haden s'établit à New York en 1966. Entre temps, les partis-pris esthétiques avaient radicalement changé dans la métropole du jazz : le free jazz est la musique « du jour » et, outre un nombre important de jeunes musiciens (comme Archie Shepp et Albert Ayler), beaucoup de musiciens confirmés se reconnaissent dans ce genre. À cette époque, Haden participe à la plupart des rencontres et enregistrements du collectif d'avant-garde fondé par Bill Dixon : le Jazz Composer's Orchestra.
Dans le contexte de l'évolution du jazz mainstream plus ancien vers l'avant-garde, le saxophoniste ténor John Coltrane occupe une place particulière de « passeur ». Le contrebassiste de Coltrane, Jimmy Garrison avait développé un style qui présente beaucoup de points de ressemblance avec celui de Haden. Coltrane meurt à l'été 1967 ; Haden n'ayant eu que peu d'occasions de jouer avec lui. Cependant, la veuve de Trane, la pianiste et harpiste Alice Coltrane, charge Haden d'ajouter quelques parties de contrebasse sur des enregistrements tardifs de son mari, en overdub. Des titres comme Peace On Earth témoignent du caractère de recherche spirituelle de la dernière phase créative de l'oeuvre de Coltrane, qui influencera Haden comme tant de musiciens de cette génération.
Dans les mois qui suivent la mort de Coltrane, un vent de rébellion souffle sur la sous-culture de l'avant-garde new-yorkaise. Les prises de positions politiques et les exigences de changement social font leur entrée dans le travail musical des jeunes artistes ; il y a une solidarité avec le mouvement des droits civiques, très à gauche ; on critique la politique extérieure du gouvernement américain, particulièrement au Viêt Nam et en Amérique latine. Le Liberation Music Orchestra, créé par Haden et la pianiste Carla Bley en 1969, existe encore de nos jours et formule avec des équipes variables et des directions stylistiques diverses des protestations musicales dirigées contre certaines injustices sociales aux États-Unis. En 1971, Haden interprète le titre Song for Che, extrait du premier album de la formation, alors qu'il est en déplacement au Portugal. Au cours de l'introduction du morceau, il le dédie aux opposants au régime totalitaire de Marcelo Caetano. Il sera ensuite arrêté et interrogé par la police secrète DGS.
Mais Haden ne se préoccupe pas seulement des « grands » thèmes politiques de l'époque ; il se fait également l'avocat des droits des animaux. En 1979, il enregistre Song for the Whales, une composition de sa fille Petra. Il met également sur pied un projet pour la recherche et le traitement des acouphènes, étant personnellement touché par le problème.
En 1972, il collabore à la musique du film Le Dernier Tango à Paris composée par Gato Barbieri.
Entre 1975 et 1976, Haden enregistre une série de duos avec ses « interlocuteurs favoris » tels que : Alice Coltrane, Keith Jarrett, Ornette Coleman, Archie Shepp, ou Paul Motian).
À partir de la fin des années 1970, Haden enregistre régulièrement pour le label munichois ECM du producteur Manfred Eicher qui est également contrebassiste. En particulier, ECM produit deux albums issus de la collaboration entre Haden, le saxophoniste norvégien Jan Garbarek et le guitariste brésilien Egberto Gismonti (Magico et Folk Songs), The Ballad of the Fallen du Liberation Music Orchestra, ainsi que deux disques de Pat Metheny où Charlie Haden est sideman.
En 1979, Haden quitte New York pour revenir à Los Angeles où il rencontre sa deuxième femme, Ruth Cameron, à qui il dédie de nombreuses compositions, notamment First Song, qu'il interprète encore régulièrement. Haden désigne la ville de Los Angeles comme une source d'inspiration, qu'il voit essentiellement comme la Angel City de sa jeunesse, telle que dépeinte (et souvent transfigurée) dans les romans de Raymond Chandler. Les années 1980 étendent finalement la réputation de Haden bien au-delà du domaine du jazz d'avant-garde, et il participe à des projets avec des musiciens comme Michael Brecker, John Scofield, Chet Baker ou encore Dino Saluzzi.
Le festival International de Jazz de Montréal l'honore en 1989 de manière particulière : il se produit chaque soir du festival avec une formation différente, et parmi ses partenaires musicaux de cette semaine figurent beaucoup d'anciens compagnons de route. Les concerts sont tous enregistrés et disponibles sous les titres The Montreal Tapes chez Verve Records et In Montreal chez ECM.
L'activité artistique de Charlie Haden est marquée par les difficultés que lui causent ses acouphènes. Il fait face à ce problème de diverses manières : des bouchons d'oreille spécialement confectionnés pour supprimer certaines fréquences sensibles, ainsi que des parois mobiles de plexiglas derrière lesquelles il s'abrite pendant les concerts à fort volume sonore. La tendance à tenir un propos musical minimaliste une caractéristique générale du style « hadenien » arrive à maturité vers 1990.
Il est décédé des suites d'une longue maladie le 11 juillet 2014.
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