Artiste, Peintre (Art, Peinture).
Francais, né le 10 octobre 1684 et mort le 18 juillet 1721
Enterré (où exactement ?).
Jean-Antoine Watteau, plus connu sous le nom d'Antoine Watteau, né à Valenciennes le 10 octobre 1684 et mort à Nogent-sur-Marne le 18 juillet 1721, est un peintre français.
Il est un des créateurs représentants du mouvement rocaille. Inspiré par la commedia dell'arte, il aime représenter le théâtre dans ses tableaux, que ce soit à travers les rideaux lourds ou les thèmes. Malgré une carrière brève d'une quinzaine d'années, il a connu le succès de son vivant et a laissé une oeuvre considérable, des milliers de dessins et plus de deux cents tableaux que les princes d'Europe et les collectionneurs privés s'arrachaient. Ses peintures les plus célèbres sont un Pierrot (anciennement intitulé Gilles) et ses deux Pèlerinages à l'île de Cythère.
Une des principales sources de renseignements sur sa vie est la biographie rédigée par son ami le comte de Caylus.
Jean-Antoine Watteau est le deuxième des quatre fils de Jean-Philippe Watteau (1660-1720), maître-couvreur, marchand de tuiles, et de Michelle Lardenois (1653-1727). Son père, souvent querelleur, boit volontiers et se montre violent, ne devant probablement pas épargner à ses fils des coups, ce qui peut expliquer le repli intérieur du jeune Jean-Antoine et une phtisie précoce, l'influence de cette maladie se retrouvant dans le psychisme et dans les tableaux du peintre.
La famille de Jean-Antoine encourage tôt sa vocation artistique. Vers l'âge de dix ans, il est peut-être mis en apprentissage chez Jacques-Albert Gérin (c. 1640 - 7 juin 1702), l'un des peintres renommés de la ville dont le musée et les églises de Valenciennes conservent quelques ouvrages, de valeur médiocre, dans le goût flamand. Peu de temps après, il monte sur Paris et s'installe dans le quartier Saint-Germain-des-Prés où résident de nombreux artistes flamands. Sans protection, sans ressources, il est décidé à s'en procurer par le travail. Engagé d'abord par un peintre sans client, Métayer, qui ne peut le nourrir, il passe chez un fabricant de peintures, au pont Notre-Dame, qui l'emploie, avec quelques autres apprentis, à copier, en nombreux exemplaires, des images religieuses et des tableaux de genre, notamment une Vieille Liseuse de Gérard Dou, et un Saint Nicolas, très recherché par les dévots.
Tout en se livrant à cette besogne insipide moyennant « trois livres par semaine et la soupe tous les jours », Watteau se lie avec le peintre d'origine flamande Nicolas Vleughels, le peintre d'Anvers, Jean-Jacques Spoëde, élève de l'Académie royale, et avec Claude Gillot, peintre, dessinateur, graveur, décorateur, d'une verve intarissable et d'une fantaisie originale. « Gillot, ayant vu quelques dessins ou tableaux de Watteau, l'invita à venir demeurer chez lui. » L'accord entre le maître et l'élève, d'humeur également vive, n'est pas de longue durée. Néanmoins, Watteau conservera toujours pour Gillot une grande reconnaissance, car « c'est chez lui qu'il se débrouilla complètement », dira Edmé-François Gersaint. C'est bien chez Gillot, en effet, qu'il prend le goût des scènes de théâtre, des fantaisies galantes, des arabesques à figurines, des mythologies et des singeries, et qu'il s'enhardit dans ses tendances naturelles à observer sans cesse les réalités environnantes et à jouir, en rêveur délicat, du spectacle de la vie mondaine ou rustique. Commençant comme peintre d'histoire, il va s'inscrire dans la querelle des Anciens et des Modernes et marquer le triomphe de la couleur, la victoire des « rubénistes » (les coloristes qui privilégient la force de la sensation) sur les « poussinistes » (les dessinateurs qui privilégient la forme) représentés par Roger de Piles et Charles Le Brun.
Après sa rupture avec Gillot (vers 1707 ou 1708), il entre dans le studio du décorateur Claude Audran III. En 1709, il tente le prix de Rome mais n'y obtient que la seconde place, ce qui lui ôte le privilège d'aller parfaire ses connaissances dans l'Académie de France à Rome. Découragé, il se remet au travail. Trois ans plus tard, en 1712, il devient membre de l'Académie. Mais ce n'est qu'en 1717, après cinq années de travaux, qu'il présente son morceau de réception, le fameux Pèlerinage à l'île de Cythère.
L'Enseigne de Gersaint peinte vers la fin de l'année 1720 constitue le dernier chef-d'oeuvre de Watteau. Il sort de son cadre pastoral habituel pour se situer en plein Paris, au numéro 35 du pont Notre-Dame, adresse du nouvel établissement du marchand Gersaint auprès de qui Watteau insista en remerciement de l'hébergement consenti.
Ses amis, parmi lesquels Nicolas Hénin, Gersaint, Antoine de la Roque, Pierre Maurice Haranger, Pierre Crozat et Jean de Jullienne, s'alarment de sa négligence concernant son avenir, sa situation financière et son état de santé précaire. En 1719, il choisit de partir pour Londres, peut-être afin de consulter le docteur Richard Mead, un des médecins les plus réputés de l'époque et un admirateur de l'oeuvre du peintre. Cependant l'air de Londres ne lui a pas été d'un grand profit. Après son retour en France et quelques mois à Paris, Watteau passe les derniers mois de sa vie dans la propriété d'un ami de l'abbé Haranger, l'intendant des Menus-Plaisirs, Philipe Le Fevre. Il meurt dans les bras de Gersaint en 1721, peut-être des suites de la tuberculose, à l'âge de 37 ans. L'abbé Haranger a raconté que Watteau était à demi conscient et muet durant ses derniers jours, peignant en l'air des figures imaginaires.
Watteau semble condenser dans ses toiles l'esprit de la Régence, alors qu'il ne survécut que six ans à Louis XIV. Mort jeune alors que ses tableaux se vendent cher, de nombreux suiveurs l'ont alors copié. De plus, sur ses quelque deux cent tableaux, plusieurs en mauvais état ont été repeints ou restaurés. Cela explique que l'historien d'art Jean Ferré n'attribue à Watteau que 39 toiles de manière indiscutable et juge une centaine douteuses, soulevant une polémique entre les experts.
Les tableaux de Watteau sont loin de se caractériser uniquement par une frivolité qui serait propre aux « fêtes galantes ». Une mélancolie sobre peut y être observée, un sentiment de la futilité de la vie, une légèreté pleine de grâce. Des peintres comme Nicolas Lancret et Jean-Baptiste Pater essaieront de reproduire ces thèmes, mais n'arriveront pas à capturer l'esprit et à rendre cette ambiguïté.
Son plus jeune frère, Noël-Joseph Watteau (1689-1756), sera le père du peintre Louis Joseph Watteau (1731-1798) dont l'aîné des 12 enfants deviendra à son tour peintre : François Watteau (1758-1823).
Les Fêtes vénitiennes, tableau peint vers 1718-1719, a été nommé ainsi, a posteriori (après la mort de Watteau), en écho à l'opéra-ballet d'André Campra (1710), oeuvre alors très bien reçue. À droite du tableau, Watteau s'est lui-même représenté, assis, jouant de la musette de cour (une variété de cornemuse à soufflet, très répandue aux XVIIe et XVIIIe siècles). Sur la même ligne que lui, l'attitude de l'homme et de la femme debout rappelle celle de la danse. Selon Michael Clarke, l'homme représenté est un ami de Watteau, peintre également.
Un autre tableau, Les Charmes de la vie (vers 1718), met en évidence un violoncelle, instrument d'origine italienne qui supplantera bientôt la viole de gambe. Le rôle principal est attribué au joueur de théorbe (grand instrument appartenant à la famille du luth). L'interprète semble être occupé à l'accorder. À l'opposé, une femme assise joue (ou se prépare à jouer) d'un instrument qui est certainement une guitare baroque. Il y a clairement une opposition entre la discrétion de la guitariste et le mouvement plus démonstratif du théorbiste. On remarque aussi que, dans ce moment préparatoire, les deux personnages ne s'adressent pas directement l'un à l'autre, selon le principe des lignes courbes, cher à la gestique de la scène baroque. Dans la musique de cette époque, le théorbe et le violoncelle sont souvent alliés en tant qu'instruments de basse continue, qui soutiennent ainsi les parties supérieures. Mais leur rôle n'est pas toujours limité à cela. Ici, le principal couple annoncé est vraisemblablement celui qui va être constitué par le duo (ou le dialogue) entre le théorbe et la guitare.
Un autre tableau, L'Accord parfait (1718), montre avant tout deux personnages reliés par la musique : une jeune femme assise tient un livre de musique ouvert entre les mains, afin que l'homme assis à son côté puisse lire la pièce qu'il est en train de jouer au traverso (la flûte traversière ou « flûte allemande », qui commençait à s'imposer en France). Le costume du flûtiste est sombre, en opposition avec celui de la jeune femme, qui est peut-être son élève. Du reste, l'homme semble plus âgé. À leurs pieds, un jeune homme, attentif. Son corps est tourné vers eux : il nous tourne donc le dos. Il paraît accompagner avec sa main ce qu'il entend. On devine ainsi qu'il est en parfait accord avec ce qu'il perçoit, même si son regard, intérieur, n'est pas tourné vers ses compagnons : il leur tend plutôt une oreille attentive. Derrière ces personnages passe un couple en conversation intime, dont l'« accord parfait » répond à celui du couple musicien et de leur auditeur. La frondaison sous laquelle tout ceci se déroule crée une atmosphère d'intimité. Les trouées de lumière évitent de créer l'enfermement, mais plutôt de la douceur et de la légèreté. L'éclairage vient principalement du devant mais aussi de gauche et de droite, en arrière plan et encadre ainsi toute la scène. Il n'y a pas de lutte entre ombre et lumière mais différents plans ou différents moments. Le ciel et les quelques volutes de nuages au-dessus des deux têtes penchées sur le livre évoque un plafond de théâtre et comme un accord ou une bénédiction céleste. À remarquer qu'il n'y a pas d'accord parfait au sens musical du terme, puisqu'il s'agit d'une pièce jouée à la flûte seule.
Certains critiques d'art ont vu dans ses oeuvres un signe avant-coureur de l'impressionnisme.
Le traitement si original des paysages et des personnages, caractérisé par une atmosphère poétique distincte, par un flou nimbé de tristesse, lui vaudra d'exercer une grande influence dès son siècle. Bien que sa peinture rococo disparaisse totalement avec la Révolution française qui la vilipende, laissant alors la place au style néoclassique, Watteau est réhabilité dès le siècle suivant. Au xixe siècle, son influence devient claire, comme en atteste les acquisitions ou les legs dans les collections nationales du Louvre principalement au milieu de ce xixe siècle (Le Louvre en conserve actuellement quatorze). Dans un poème écrit en 1838, Théophile Gautier évoque l'atmosphère qui se dégage de l'oeuvre de Watteau. Dans sa nouvelle Sylvie publiée pour la première fois dans la Revue des deux Mondes en 1853, Gérard de Nerval intitule son quatrième chapitre Un voyage à Cythère. Le narrateur se souvient d'une fête patronale à Senlis et d'une traversée d'un lac dans le goût de Watteau. En 1854, le critique d'art Charles Blanc publie Les Peintres des fêtes galantes, un livre de faible pagination, mais à fort tirage. En 1857, Baudelaire consacre un quatrain au peintre dans Les Phares, le mettant au niveau des plus grands maîtres. Puis Verlaine publie en 1869 un recueil intitulé Fêtes galantes, inspiré d'évidence par le tableau de réception de Watteau à l'Académie, Pèlerinage à l'île de Cythère. Les frères Goncourt s'intéressent à l'artiste en 1881 avec leur étude consacrée à L'Art au xviiie siècle. Ils voient en Watteau « le grand poète » du siècle passé.
Pourtant, le jeune Jean-François Millet rejette cette peinture quand il découvre les musées parisiens vers 1837 : « Watteau non plus n'était pas mon homme. Ce n'était pas le Boucher pornographe, mais c'était un petit monde de théâtre qui me peinait. J'y voyais bien le charme de la palette et la finesse de l'expression et jusqu'à la mélancolie de ces bonshommes de coulisses condamnés à rire. Cependant les marionnettes me revenaient sans cesse à l'esprit et je me disais que toute cette petite troupe allait rentrer dans une boîte après le spectacle et y pleurer sa destinée. »
Au xxe siècle, certaines toiles gagnent en importance. L'Indifférent est de celles-ci. Rilke lui rend hommage dans un de ces poèmes écrits en français. Paul Claudel voit dans le seul personnage de cette huile un « messager de nacre », un « avant-courrier de l'Aurore », dont il compare la démarche à celle du « poète ambigu, inventeur de sa propre prosodie, dont ne sait s'il vole ou s'il marche, son pied, ou cette aile quand il le veut déployée, à aucun élément étranger, que ce soit la terre, ou l'air, ou le feu, ou cette eau pour y nager que l'on appelle éther ! » Dans En lisant, en écrivant, Julien Gracq dit de la Chartreuse de Parme de Stendhal que « les paysages de la Lombardie et des Alpes y ont le flou voluptueux et embrumé des paysages de Watteau ». Philippe Sollers professe une grande admiration pour le peintre et le mentionne dans nombre de ses ouvrages. Son roman La Fête à Venise, titre notamment choisi en opposition à la nouvelle de Thomas Mann La Mort à Venise, fait aussi écho au tableau de Watteau Fêtes vénitiennes. Sollers a consacré au peintre une monographie en 1992, parue chez Flammarion : Watteau et les femmes.
Une autre caractéristique de Watteau devait avoir par la suite une grande importance : sa fidélité à lui-même. En effet, comme le note l'historien de l'art britannique Michael Levey, Watteau « a créé, involontairement, le concept de l'artiste individualiste, loyal à lui-même, et à lui-même seulement ».
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C'est un grand homme qui a su tenir face à son père violent et à sa maladie pulmonaire en réalisant de très belles oeuvres.